28 février 2006

Le comportement, la pensée, les émotions.

Venus Verticordia, Dante Gabriel Rossetti, 1864.



La schizophrénie est un syndrome psychiatrique dénotant une maladie mentale persistante, souvent chronique affectant d'une manière variable le comportement, la pensée et les émotions. Le terme schizophrénie qui vient des termes grecs schizein et phrenia peut se traduire par « pensée fendue » ou « pensée divisée ». Elle touche 1 % de la population dans le monde, sans variations notables d'un pays ou d'une époque à l'autre.

La schizophrénie est le plus souvent caractérisée à la fois par des symptômes positifs (ceux s'ajoutant à une expérience et à un comportement ordinaire) et des symptômes négatifs (le manque ou le déclin des fonctions normales).
Les symptômes positifs sont groupés dans l’ensemble des psychoses, qui comprennent principalement les illusions, les hallucinations, et les désordre de la pensée. Les symptômes négatifs peuvent être des émotions inappropriées ou absentes, la pauvreté du langage, et le manque de motivation. En plus, des déficits neurocognitifs peuvent être présents. Ceux-ci prennent la forme d’une diminution ou une altération des fonctions psychologiques de base comme la mémoire, l’attention, la concentration et les capacités sociales. Le début de la maladie se situe habituellement entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte, les hommes ayant tendance à présenter les symptômes plus tôt que les femmes.

Le psychiatre Emil Kraepelin fut le premier à faire la distinction entre ce qu'il a appelé la démence précoce et les autres formes de folie. Elle fut plus tard renommée schizophrénie par le psychiatre Eugene Bleuler lorsqu'il devint évident que la désignation de Kraeplin n'était pas une description adéquate de la maladie.

L’approche par le diagnostic de la schizophrénie a connu des oppositions, le plus frontalement par le mouvement antipsychiatrique, qui soutient que classer des pensées et des comportements comme maladies permet le contrôle social de ceux que la société trouve indésirables mais qui n'ont pas commis d’infraction grave à la loi.

Plus récemment, il a été déclaré, notamment par Richard Bentall, que la schizophrénie est seulement une limite du spectre de l'expérience et du comportement, et tous ceux qui vivent en société peuvent avoir quelques expériences dans leur vie. Cela est connu comme le modèle continu de la psychose ou l'approche dimensionnelle.

Bien qu'aucune cause précise de la schizophrénie n'ait été identifiée, la plupart des chercheurs et des cliniciens pensent à un désordre d'ordre neurologique (altération du fonctionnement cérébral). On estime que c’est un mélange de prédisposition génétique (tendance familiale) et de stress subi dans l'existence.

On pense que les premières phases de développement de l'individu jouent un rôle important, en particulier pendant le stade fœtal. Pendant la vie adulte, c'est le rôle de la dopamine dans le circuit mésolimbique cérébral qui est important. Le rôle de la dopamine dans cette maladie a été proposé à partir de l'observation de l'amélioration des symptômes délirants et de la dissociation avec l'utilisation des neuroleptiques. D'autres neuromédiateurs jouent probablement un rôle dans la schizophrénie comme la sérotonine.

Ride, si sapis.


La buveuse d'absinthe, Edgar Degas, 1876.


Créer, c'est mimer. L'artiste, l'imitateur, ne fabrique en fait que des illusions sans réalité. Il n'a pas conscience ni contrôle de ce qu'il fait. Ce n'est pas un véritable technicien. Il prétend faire tous les meubles, toutes les plantes, tous les êtres vivants et lui-même. La terre, le ciel, les dieux, et tout ce qui existe dans le ciel et dans l'Hadès.
Le Problème est une réverie sur la création, ou plutôt, comme on dirait maintenant, la créativité, la capacité de créer. Il nous dit que la créativité est une pulsion essentiellement à être différent, une incitation irrépressible à devenir autre, à devenir tous les autres. Il faut rapprocher ce texte de la Poétique d'Aristote qui nous dit :
L'art poétique appartient à l'être bien doué de nature (euphyoûs) ou au fou (manikoû), car les premiers se modèlent facilement (euplastoi), les autres sortent d'eux-même (ekstatikoi).

27 février 2006

A trop se donner on s'abandonne


Électre sur la tombe d'Agamemnon, William Blake Richmond, 1874.


Dans la mythologie grecque, Électre (en grec ancien Ήλέκτρα / Êléctra) est membre de la famille des Atrides, la fille d'Agamemnon (roi de Mycènes) et de Clytemnestre. Elle est la sœur d'Oreste, d'Iphigénie, de Chrysothémis et de Laodicé.
Selon la légende, elle est absente de Mycènes quand son père revient de la guerre de Troie et est assassiné par Égisthe, l'amant de Clytemnestre, et/ou par Clytemnestre elle-même.
Huit ans plus tard, Électre revient d'Athènes avec son frère Oreste (Odyssée, III, 306). D'après Pindare (Odes Pythiques, XI, 25), Oreste a été sauvé par sa vieille nourrice ou par Électre, et amené à Phanote sur le mont Parnasse, où le roi Strophios l'a pris en charge.
À sa vingtième année, Oreste reçoit l'ordre de l'oracle de Delphes de retourner chez lui et de venger la mort de son père. D'après Eschyle, il rencontre Électre devant le tombeau d'Agamemnon ; ils se reconnaissent et décident ensemble comment Oreste doit accomplir sa vengeance.
Après le passage à l'acte, Oreste (parfois aidé par Électre), devient fou et est poursuivi par les Érinyes, qui ont pour devoir de punir tout manquement relatif à la piété familiale. Électre elle n'est pas inquiétée par les déesses.
Plus tard, Électre épouse Pylade, un proche ami d'Oreste et fils du roi Strophios. Elle en a deux fils : Strophios et Médon.

Propter te in umbra sum, decede de sole meo

Diogenes, Jean-Léon Gérôme, 1860


"Il y a deux causes pour tirer du sang à l'homme; ou bien il en a trop, ou bien il l'a mauvais. Une abondance excessive de sang n'est pas moins dangereuse que son altération. Or, le sang de notre âme c'est notre volonté, car, de toutes les humeurs du corps, le sang est par excellence le soutien de notre nature, la vie de notre âme est dans notre volonté. Il faut donc nous tirer aussi de la volonté quand elle est mauvaise, parce qu'elle est une cause de maladie spirituelle."

Saint Bernard, sermon des saignées spirituelles

Réflexion sur la Créativité


Le Chevalier, La Jeune Fille et la Mort, Hans Baldung Grien, 1515.



Si l'on fait le compte rapide des comportements qui impliquent la sortie et ceux qui suggèrent le retrait de soi-même, on est impressionné de voir que le nombre est d'abord du côté de l'extraversion. Le silence, la taciturnité sombre, pour parler comme le fait encore Pinel, l'athymie sont moins souvent évoqués que l'exubérance de la colère, de la parole, de l'amour, de la violence. Le mélancolique est surtout peint comme un être agité. On doit nuancer évidemment. Les attitudes de retrait, la lâcheté, la crainte, le silence, ne sont pas absentes, mais l'on ne peut douter que l'aspect positif de la mélancolie ne soit d'abord privilégié. Cela s'explique évidemment dans une réflexion sur la créativité. L'individu retranché du monde, dans son silence, que propose-t-il à une telle méditation ?
Parce que la bile noire est inconstante, inconstants sont les mélancoliques.
L'on voit que l'on ne saurait distinguer entre la santé, la morale et ce qui apparaît déjà, qu'on pourrait appeler esthétique, la réflexion sur la créativité. Comment l'inconstance, comment la variabilité, comment les avatars du mélancolique peuvent-ils expliquer la grandeur, la créativité, le génie, comme nous dirions maintenant ?
Qu'est-ce qui fait le lien entre tous ces domaines et le polymorphisme et l'inconstance du mélancolique ? On ne peut comprendre ce contexte qu'à l'intérieur d'une pensée de la mimesis, de la représentation. C'est une notion difficile à définir, qui règle une des façons pour les Anciens d'envisager la création.

26 février 2006

Diversité et Unicité de l'Homme


Pieta des Villeneuve-lès-Avignon, Enguerrand Quarton, 1450.


Si l'immunologie a apporté une révolution, c'est bien dans le concept de la diversité biologique. Certes, on connaissait un certain nombre de groupes sanguins, mais leur polymorphisme était modeste. Le système ABO de Landsteiner s'était progressivement complété de quelques variantes ou allèles. Mais on était bien loin de pouvoir soupçonner l'existence d'un polymorphisme aussi exubérant, aussi bien au niveau des immunoglobulines qu'à celui des antigènes dits d'histocompatibilité.

Il est, d'ailleurs, intéressant de constater que ces deux systèmes multigéniques et polyalléliques sont justement ceux qui concourent à la défense de l'organisme. Ce polymorphisme est indispensable à deux niveaux :
Celui de l'espèce : pour qu'elle survive, il est nécessaire qu'il existe parmi ses membres des différences individuelles. En cas d'épidémie, certains seront éliminés, d'autres survivront et permettront ainsi la perpétuation de l'espèce ;
Celui de l'individu : les molécules du « soi », signant la spécificité de chaque individu, interdisent certains phénomènes comme, par exemple, le parasitisme ou les greffes de tumeurs entre deux membres d'une même espèce.

Nos cellules, dans leur immense majorité, sont ainsi pourvues à leur surface d'une série de molécules très polymorphes, donc différentes d'un individu à l'autre. Ces molécules sont codées par au moins quatre loci présents sur le chromosome 6. Ce sont les gènes HLA-A, B, C et DR. Chacun de ces quatre gènes peut présenter de 10 à 60 variantes. Chaque homme a reçu une combinaison A, B, C, DR, l'une de son père et l'autre de sa mère. La combinatoire des différentes possibilités entraîne un nombre d'arrangements qui se compte par millions. Nous commençons à savoir que chacune de ces molécules présente encore bien d'autres variantes décelées par d'autres méthodes que la simple sérologie. Enfin, de nouveaux loci sont en voie de description, ce qui amène à penser que le nombre des combinaisons est pratiquement illimité. S'y ajoute encore le polymorphisme extrême de certains composants du complément comme le C4 dont les gènes sont voisins de ceux du système HLA.

Ainsi, déjà au niveau du complexe majeur d'histocompatibilité, millième partie de notre génome, on peut dire que chaque homme est unique (en dehors, bien sûr, des vrais jumeaux). Ce qui, à mon sens, est peut-être encore le plus étonnant n'est pas tant la diversité entre individus d'une même espèce mais l'unicité de l'espèce malgré cette diversité.

L'aventure de la découverte du système HLA est une des plus exaltantes de la biologie moderne, en ce sens qu'elle a permis l'ouverture, l'un après l'autre, de nouveaux et fascinants domaines de recherche suivis très rapidement d'applications.

En 1952 débute l'observation d'une forte agglutination de leucocytes lors du mélange du sérum d'un individu avec les leucocytes d'un autre individu. Ce phénomène était dû sans doute à la présence, à la surface des leucocytes, de structures définissant de nouveaux groupes sanguins. Il nous a paru logique que ces structures puissent jouer un rôle dans les transplantations. Fallait-il encore en apporter la preuve. C'est ici qu'un groupe d'admirables volontaires a joué un rôle capital, puisque nous avons pu procéder sur eux à des greffes de peau et vérifier qu'effectivement la survie d'une greffe est d'autant plus longue que la compatibilité des structures leucocytaires des individus était plus élevée.

Une nouvelle preuve de la justesse de cette hypothèse a été apportée par l'étude de la survie des greffes de reins. La compatibilité HLA entre donneur et receveur constitue l'élément-clé du devenir à court et long terme du greffon.

Depuis, ces travaux ont été appliqués à la transplantation d'autres organes : le coeur, le foie, le pancréas. La greffe de moelle donne d'excellents résultats dans le cas d'aplasie médullaire et dans certaines formes de leucémies. Mais la greffe de moelle n'est possible que si le malade a un frère ou une sœur HLA identique. Nous espérons un jour surmonter cette barrière de compatibilité stricte et accroître alors considérablement le nombre de personnes pouvant bénéficier d'une greffe de moelle osseuse.

La nécessité de comprendre les crises de rejet et les rejets définitifs a incité un nombre considérable de recherches dans le monde entier. Elles sont encore en cours mais ont déjà apporté une moisson d'une richesse extraordinaire.

La réaction allogénique qui conduit au rejet de la greffe commence à être mieux connue, avec son versant d'immunité et de défense et son versant de tolérance. Le rejet apparaît comme un déséquilibre en faveur du premier versant. Une mécanique extraordinairement subtile qui fait osciller, au travers des messages portés par les lymphokines, notre organisme entre rejet et tolérance - états caractérisés, pour le premier, par la production des anticorps et des cellules cytotoxiques et, pour le second, par l'élaboration de facteurs et de cellules exerçant une action suppressive.

Après la découverte de la reine de ces associations, la spondylarthrite ankylosante et HLA-B27, un nombre considérable d'autres affections (à l'heure actuelle une cinquantaine) a été répertorié, cette association apportant parfois aux praticiens une aide diagnostique, voire pronostique. Mais, le mécanisme intime de ces associations nous échappe encore car, paradoxalement, elles ne sont pas observées avec les classiques maladies infectieuses mais plutôt avec des maladies de système, d'étiologie inconnue, et souvent suspectées d'origine virale mal définie. Beaucoup, sinon toutes les maladies auto-immunes, sont concernées.

Polymorphisme


La Peste d'Asdod, Les Philisins frappés par la peste, Nicolas Poussin, 1630-1631.

Au fond le mélancolique est, à lui seul, une multiplicité de caractères. La bile noire offre au naturel mélancolique tous les stades de l'ivresse avec tous ses dangers, et cela pour la vie. Le mélancolique est essentiellement polymorphe.
Cela veut bien dire que le mélancolique a en lui, comme possibles, tous les caractères de tous les hommes. Ce qui éclaire prodigieusement, l'idée même de la créativité mélancolique.

25 février 2006

Melancholie du Docteur Gachet

Le Docteur Gachet, Vincent Van-Gogh, 1890.


Ami de Cézanne et de Guillaumin, aquafortiste, amateur de peinture impressionniste, très lié avec le graveur Charles Méryon, dont il avait suivi la folie, préoccupé de psychiatrie, auteur d’une thèse sur la Mélancolie, le docteur Gachet devait nécessairement ne pas manquer de s’intéresser à Van Gogh, malade et artiste. Revenant de l’asile de Saint-Remy, Vincent s’installe à Auvers-sur-Oise, chez le docteur Gachet. C’est de mai à juillet 1890 que s’établit entre le peintre et son médecin, qui l’entourait de soins attentifs, une affection solide. Mais plus l’ami que le praticien n’avait le pouvoir d’empêcher la tragédie intérieure qui déchirait Vincent et allait le conduire au suicide. Van Gogh fit du docteur Gachet un autre portrait (Musée de Francfort) et une eau-forte. Grâce à la générosité du fils du modèle, le Louvre s’est enrichi, en 1949, de cette œuvre dramatique, typique de la période d’Auvers. Dans le dessin onduleux comme une flamme, cassé et chaotique, dans la composition basculée et instable, dans la stridence de la couleur, l’artiste cherche à exprimer la douloureuse et violente angoisse, l’ardeur spirituelle, la recherche désespérée qui l’étreignent. Peu de temps après avoir peint cette toile il se tuera, faute de trouver un moyen de traduire son inquiétude philosophique : « Il y a quelque chose au dedans de moi ; qu’est-ce que c’est donc ? »

Le Roman de l'Angélus

L'Angelus, Jean-François Millet, 1857

Le soir approche : le soleil, déjà au-dessus de l'horizon, éclaire encore d'une lumière chaude et dorée la partie inférieure du ciel et la grande plaine cultivée qui s'étend au loin jusqu'à l'horizon.
La campagne respire déjà le calme mystérieux qui accompagne la fin du jour. Au premier plan, dans un champ de pommes de terre qu'ils étaient occupés à récolter, deux jeunes gens, un jeune paysan et sa compagne, ont interrompu leur travail. Ils se tiennent debout, se détachant avec vigueur sur le fond lumineux du ciel. Le jeune homme s'est découvert et exprime par sa pose un sentiment de naïf et touchant respect. Il tient entre ses mains son béret contre sa poitrine et s'incline. La jeune fille a les mains jointes, relevées près de son visage. Tous deux baissent la tête ; ils se recueillent et adressent au Créateur une muette prière... C'est que l'Angélus tinte au loin, au clocher de l'église du village qu'on aperçoit à l'horizon sur le ciel lumineux doré par le soleil couchant.

24 février 2006

La mort ne vous concerne ni mort ni vif : vif parce que vous êtes, mort parce que vous n'êtes plus. (Montaigne)

La mort des Niobides, Abraham Bloemaert, 1591.

"Rien n'est plus étranger ni plus noir que le coup fatal qui frappe chacun de nous. Certes, la vie elle-même n'est pas au point : quoi qu'il en soit, elle est notre demeure, c'est en elle que nous sommes présents, et il est possible de l'améliorer. En revanche, personne n'a jamais été vu présent dans la mort, si ce n'est sous forme de cadavre".

Ernst Bloch, Le Principe Espérance.

Francisco José de Goya y Lucientes

El Coloso, 1808-1812



















Fuendetodos (1746) - Burdeos (1828)


Los grandes genios son siempre difíciles de encasillar. Habitualmente, ellos marcan las pautas de un estilo concreto pero a veces, y es el caso de Goya, se desvinculan del estilo característico de su tiempo. Quizá la figura de Goya sea más atrayente por lo que supone de ruptura. Francisco de Goya y Lucientes nace en un pequeño pueblo de la provincia de Zaragoza llamado Fuendetodos el 30 de marzo de 1746. Sus padres formaban parte de la clase media baja de la época; José Goya era un modesto dorador que poseía un taller en propiedad y poco más, de hecho "no hizo testamento porque no tenía de qué" según consta en su óbito parroquial. Engracia Lucientes pertenecía a una familia de hidalgos rurales venida a menos. La familia tenía casa y tierras en Fuendetodos por lo que el pintor nació en este lugar, pero pronto se trasladaron a Zaragoza. En la capital aragonesa recibió Goya sus primeras enseñanzas; fue a la escuela del padre Joaquín donde conoció a su amigo íntimo Martín Zapater y parece que acudió a la Escuela de dibujo de José Ramírez. Con doce años aparece documentado en el taller de José Luzán, quien le introdujo en el estilo decadente de finales del Barroco. En este taller conoció a los hermanos Bayeu, muy importantes para su carrera profesional. Zaragoza era pequeña y Goya deseaba aprender en la Corte; este deseo motiva el traslado durante 1763 a Madrid, participando en el concurso de las becas destinadas a viajar a Italia que otorgaba la Academia de San Fernando, sin obtener ninguna. En la capital de España se instalará en el taller de Francisco Bayeu, cuyas relaciones con el dictador artístico del momento y promotor del Neoclasicismo, Antón Rafael Mengs, eran excelentes. Bayeu mostrará a Goya las luces, los brillos y el abocetado de la pintura. Durante cinco años permaneció en el taller, concursando regularmente en el asunto de la pensión, siempre con el mismo resultado. Así las cosas, decidió ir a Italia por su cuenta; dicen que llegó a hacer de torero para obtener dinero. El caso es que en 1771 está en Parma, presentándose a un concurso en el que obtendrá el segundo premio; la estancia italiana va a ser corta pero muy productiva. A mediados de 1771 está trabajando en Zaragoza, donde recibirá sus primeros encargos dentro de una temática religiosa y un estilo totalmente académico. El 25 de julio de 1773 Goya contrae matrimonio en Madrid con María Josefa Bayeu, hermana de Francisco y Ramón Bayeu por lo que los lazos se estrechan con su "maestro". Los primeros encargos que recibe en la Corte son gracias a esta relación. Su destino sería la Real Fábrica de Tapices de Santa Bárbara, para la que Goya deberá realizar cartones, es decir, bocetos que después se transformarán en tapices. La relación con la Real Fábrica durará 18 años y en ellos realizará sus cartones más preciados: Merienda a orillas del Manzanares, El Quitasol, El Cacharrero, La Vendimia o La Boda. Por supuesto, durante este tiempo va a efectuar otros encargos importantes; en 1780 ingresa en la Academia de San Fernando para la que hará un Cristo crucificado, actualmente en el Museo del Prado. Y ese mismo año decora una cúpula de la Basílica del Pilar de Zaragoza, aunque el estilo colorista y brioso del maestro no gustara al Cabildo catedralicio y provocara el enfrentamiento con su cuñado Francisco Bayeu. Al regresar a Madrid trabaja para la recién inaugurada iglesia de San Francisco el Grande por encargo de un ministro de Carlos III. En Madrid se iniciará la faceta retratística de Goya, pero será durante el verano de 1783 cuando retrate a toda la familia del hermano menor de Carlos III, el infante D. Luis, en Arenas de San Pedro (Ávila), sirviéndole para abrirse camino en la Corte, gracias también a su contacto con las grandes casas nobiliarias como los Duques de Osuna o los de Medinaceli, a los que empezará a retratar, destacando la Familia de los Duques de Osuna, uno de los hitos en la carrera de Goya. Carlos IV sucede a su padre en diciembre de 1788; la relación entre Goya y el nuevo soberano será muy estrecha, siendo nombrado Pintor de Cámara en abril de 1789. Este nombramiento supone el triunfo del artista y la mayor parte de la Corte madrileña pasa por su estudio para hacerse retratos, que cobra a precios elevados. Durante 1792 el pintor cae enfermo; desconocemos cuál es su enfermedad pero sí que como secuela dejará a Goya sordo para el resto de sus días. Ocurrió en Sevilla y Cádiz y en Andalucía se recuperará durante seis meses; esta dolencia hará mucho más ácido su carácter y su genio se verá reforzado. El estilo suave y adulador dejará paso a una nueva manera de trabajar. Al fallecer su cuñado en 1795 ocupará Goya la vacante de Director de Pintura en la Academia de San Fernando, lo que supone un importante reconocimiento. Este mismo año se iniciará la relación con los Duques de Alba, especialmente con Doña Cayetana, cuya belleza y personalidad cautivarán al artista. Cuando ella enviudó, se retiró a Sanlúcar de Barrameda y contó con la compañía de Goya, realizando varios cuadernos de dibujos en los que se ve a la Duquesa en escenas comprometidas. De esta relación surge la hipótesis de que Doña Cayetana fuera la protagonista del cuadro más famoso de Goya: la Maja Desnuda. Pero también intervendrá en la elaboración de los Caprichos, protagonizando algunos de ellos. En estos grabados Goya critica la sociedad de su tiempo de una manera ácida y despiadada, manifestando su ideología ilustrada. En 1798 el artista realiza la llamada Capilla Sixtina de Madrid para emular a la romana de Miguel Ángel: los frescos de San Antonio de la Florida, en los que representa al pueblo madrileño asistiendo a un milagro. Este mismo año firma también el excelente retrato de su amigo Jovellanos. El contacto con los reyes va en aumento hasta llegar a pintar La Familia de Carlos IV, en la que el genio de Goya ha sabido captar a la familia real tal y como era, sin adulaciones ni embellecimientos. La Condesa de Chinchón será otro de los fantásticos retratos del año 1800. Los primeros años del siglo XIX transcurren para Goya de manera tranquila, trabajando en los retratos de las más nobles familias españolas, aunque observa con expectación cómo se desarrollan los hechos políticos. El estallido de la Guerra de la Independencia en mayo de 1808 supone un grave conflicto interior para el pintor ya que su ideología liberal le acerca a los afrancesados y a José I mientras que su patriotismo le atrae hacia los que están luchando contra los franceses. Este debate interno se reflejará en su pintura, que se hace más triste, más negra, como muestran El Coloso o la serie de grabados Los Desastres de la Guerra. Su estilo se hace más suelto y empastado. Al finalizar la contienda pinta sus famosos cuadros sobre el Dos y el Tres de Mayo de 1808. Como Pintor de Cámara que es debe retratar a Fernando VII quien, en último término, evitará que culmine el proceso incoado por la Inquisición contra el pintor por haber firmado láminas y grabados inmorales y por pintar la Maja Desnuda. A pesar de este gesto, la relación entre el monarca y el artista no es muy fluida; no se caen bien mutuamente. La Corte madrileña gusta de retratos detallistas y minuciosos que Goya no proporciona al utilizar una pincelada suelta y empastada. Esto provocará su sustitución como pintor de moda por el valenciano Vicente López. Goya inicia un periodo de aislamiento y amargura con sucesivas enfermedades que le obligarán a recluirse en la Quinta del Sordo, finca en las afueras de Madrid en la que realizará su obra suprema: las Pinturas Negras, en las que recoge sus miedos, sus fantasmas, su locura. En la Quinta le acompañaría su ama de llaves, Dª. Leocadia Zorrilla Weis, con quien tendrá una hija, Rosario. De su matrimonio con Josefa Bayeu había nacido su heredero, Francisco Javier. Goya está harto del absolutismo que impone Fernando VII en el país, así que en 1824 se traslada a Francia, en teoría a tomar las aguas al balneario de Plombières pero en la práctica a Burdeos, donde se concentraban todos sus amigos liberales exiliados. Aunque viajó a Madrid en varias ocasiones, sus últimos años los pasó en Burdeos donde realizará su obra final, la Lechera de Burdeos, en la que anticipa el Impresionismo. Goya fallece en Burdeos en la noche del 15 al 16 de abril de 1828, a la edad de 82 años. Sus restos mortales descansan desde 1919 bajo sus frescos de la madrileña ermita de San Antonio de la Florida, a pesar de que le falte la cabeza ya que parece que el propio artista la cedió a un médico para su estudio.
Los testimonios pictóricos de Goya sobre la guerra de la independencia pueden resumirse en sus dos grandes composiciones del 2 y del 3 de mayo, la serie de grabados de los Desastres de la guerra y este enigmático cuadro, que en el inventario de los bienes de Goya de 1812 lleva por título Un gigante, y que por similitud con un grabado recibe el nombre de El coloso, a pesar de que en el catálogo del Prado esté citado como El pánico.
Obra cabal en la producción goyesca, sin duda el tema esconde algún simbolismo: unos lo relacionan con un poema de J.B. Arriaza, "Profecía del Pirineo" que describe la aparición de un genio tutelar de España para luchar contra los ejércitos napoleónicos; lo fundamentan en el hecho de que el coloso está casi de espaldas a la multitud que huye, y por ello la versión de un genio protector en vez de amenazador. Más plausibles parecen las versiones del gigante como símbolo de Napoleón, o simplemente de los horrores de la guerra y, en última instancia, la posición de espaldas podría interpretarse como una sugerencia de que otro grupo despavorido huye en dirección opuesta, con lo que se complementaría la sensación de dispersión que se genera con la huida de carros y personas hacia la izquierda y cabezas de ganado hacia la derecha. Sólo un asno permanece impasible en medio del éxodo. Cabe subrayar que durante la guerra, Goya atribuye al asno -y a los animales parlantes- un simbolismo de cataclismo social y de inversión de valores: de esta forma se podría entender que el único que no huye es el menos sensible, el menos valioso, el que desempeñará un papel rector en una colectividad abandonada.
Técnicamente se inicia aquí el ciclo de lo que serán las pinturas negras. La intensidad en la utilización del negro y la agresividad de las manchas, producen una auténtica descomposición de las formas. La forma de aplicar el color es ya revolucionaria; por ejemplo, en las nubes que envuelven la cintura del gigante se distinguen empastes dados con el pincel y esparcidos, luego, con la espátula, procedimientos entonces insólito. Las figuras llevan pigmento sobre la pasta, lo que les confiere una fuerza dinámica; la sensación de movimiento agitado se obtiene, precisamente, con estos toques que parecen despegarse de las formas sólidas. El pintor obtiene efectos intensos simplemente sobreponiendo cosas o manchas cromáticas; de esta manera, el bosque de la derecha era, primitivamente, una montaña, y algunas manchas adicionales de negro le han dado esta impresión de bosque en tinieblas.
El cuadro debió de pintarse muy de prisa, en tres o cuatro sesiones, lo que contrasta con las técnicas lentas, estudiadas, sometidas a retoques continuos, de los pintores académicos. El detalle de las pequeñas figuras en caótico movimiento permite observar la evolución técnica del artista hacia un procedimiento de extraordinaria libertad, basado en una técnica de empaste de color en manchas deslavazadas y violentas.

L'âme est restée seule

Guernica, Pablo Picasso, 1937.



Notre texte se clôt d'ailleurs par une réflexion sur le perissôma, le superflu, le résidu.
L'individu peut se trouver osulagé par une émission spermatique qui le délivre des superfluités.
La doctrine des résidus est aristotélicienne; Le terme perissôma n'est pas hippocratique. Bien évidemment, on traduit ainsi l'attaque du Problème : «Pour quelle raison ceux qui ont été des hommes d'exception (perittoi)....
Si l'adjectif perittos désigne ce qui est en excés, superflu, il signifie aussi «exceptionnel», dans un sens métaphorique. Bien entendu. On peut même trouver cet emploi chez Théophraste, à propos des plantes qui sont exceptionnelles par l'odeur ....
Mais il n'empêche que, dans cette pensée dont il faut guetter tous les jeux, nous n'avons pas trop de scrupule à comprendre que l'homme exceptionnel (perittos) est l'homme du résidu (perissôma) par excellence. C'est d'ailleurs cette tension qu'il faut avoir sans cesse à la mémoire pour comprendre ce qu'on pourrait appeler la dialectique de la mélancolie telle qu'elle a été reprise dans les siècles. Il faut penser le lien entre cette matière superflue, ce résidu de la coction, cette humeur stupide, et la créativité du génie, élan de l'imagination.
Aristote, Présentation.

23 février 2006

Sidération

The Nightmare, Johann Heinrich Fuslli, 1781.



C'est de l'interruption d'un mouvement qu'il s'agit dans la genèse de la mélancolie, d'un mouvement in statu nascendi qui laissa le sujet en proie à la sidération.
Et la défense primaire contre un tel trauma se conçoit aisément qui s'édifia sur le rejet de tout investissement de la réalité, faute d'autre représentation immaginaire que celle de l'évidente insuffisance de l'Autre sur le plan de l'avoir et de soi sur le plan de l'être.
Enfin, ignorant qu'il continue à succomber aux effets de la catastrophe originelle, le sujet mélancolique n'a plus comme seul recours que d'en référer à un destin qu'il pourvoit de l'omnipotence du Père mythique, et derrière lequel se profile la cruauté d'un surmoi archaïque.
S'en remettant ainsi au destin, le mélancolique accepte de reprendre à son compte la faute ignorée des générations qui lui assure la place d'exception qu'il occupe dans l'ordre de la vérité, de même qu'elle maintient son langage dans l'ordre symbolique sous les auspice d'une alternative absolue : l'idéal ou la mort.

22 février 2006

Remords Posthume

Les Remords d'Oreste, Charles Bouguereau, 1893.


Remords posthume

Lorsque tu dormiras,
ma belle ténébreuse,
Au fond d'un monument construit en marbre noir,
Et lorsque tu n'auras pour alcôve et manoir

Qu'un caveau pluvieux et qu'une fosse creuse ;
Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse
Et tes flancs qu'assouplit un charmant nonchaloir,
Empêchera ton coeur de battre et de vouloir,

Et tes pieds de courir leur course aventureuse,
Le tombeau, confident de mon rêve infini
(Car le tombeau toujours comprendra le poète),
Durant ces grandes nuits d'où le somme est banni,

Te dira : " Que vous sert, courtisane imparfaite,
De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts ? "
- Et le ver rongera ta peau comme un remords.

Charles Baudelaire (1821-1867)

Remords

Remords de Caïn, Barthélemy Vieillevoye, 1829.





Le mélancolique est dans le symbolique ; du côté de l'être, ce sont les auto-accusations, du côté de l'avoir, c'est la ruine, et le «je ne suis rien» exprime parfaitement cette double position.
Encore une voie de recherche lorsque l'on évoque, au plan métapsychologique, un point de concours entre deuil et mélancolie susceptible d'éclairer la nature de la catastrophe postulée à l'origine de la maladie ; il conclut le séminaire sur le transfert sur cette interrogation.
Il s'agit de ce que j'appelerai, non pas le deuil, ni la dépression au sujet de la perte d'un objet, mais un remords d'un certain type, déclenché par un dénouement qui est de l'ordre du suicide de l'objet. Un remords donc, à propos d'un objet qui est entré à quelque titre dans le champ du désir, et qui, de son fait, ou de quelque risque qu'il a couru dans l'aventure, a disparu.
Ainsi donc, à peine introduit dans le champ du désir, dans la suspension au désir de l'Autre, le sujet mélancolique aurait été confronté à la soudaine disparition ou désaffection de ce dernier, de telle façon qu'il n'ait pu que s'identifier au rien comme seul reste de l'Autre.

21 février 2006

Theorie der Metapher (μεταφορά)

Landschaft als Metapher der Seele, Mondaufgang am Meer, Caspar David Friedrich, 1822




Die Metapher (griechisch μεταφορά - eigentlich die Beförderung, der Übertrag, der Transfer, von metà phérein - "anderswohin tragen") ist eine rhetorische Figur, eine Verdichtung, die der Verdeutlichung und Veranschaulichung dient. In dieser Art des Tropus erfolgt der Ersatz der Bedeutung eines Ausdrucks durch einen versinnbildlichten Ersatzausdruck.
Bei der Metapher werden zwei getrennte Sinnbereiche in einen ungewohnten, oft kreativen Zusammenhang gerückt. Metaphern sind zweideutig. Wenn man sie "wörtlich" (beziehungsweise die Wörter in ihren ursprünglichem, gewohnten Sprachgebrauch) nimmt, sind sie sozusagen falsch. Der "Fuß des Berges" hat natürlich keine Zehen. Es kommt jedoch auch vor, dass offensichtliche Wahrheiten metaphorisch sein können. "Geld stinkt nicht" würde mit hoher Wahrscheinlichkeit von niemandem wörtlich aufgefasst werden.
Metaphern fordern dazu auf, Ähnlichkeiten zu konstruieren. Man versteht eine Metapher, wenn es gelingt, mindestens zwei Gegenstände miteinander in Assoziation zu bringen. Das heißt, man sieht den einen Gegenstand sozusagen im Lichte des anderen (gleichzeitig verdecken sie einen Teil, das heißt sie haben Blinde Flecken).

Mit einer Metapher wird ein Ausdruck aus seinem ursprünglichen Zusammenhang genommen und in einem anderen Zusammenhang verwendet, das heißt es wird eine Bedeutungsübertragung vorgenommen. Es handelt sich dabei um den Vergleich zweier Bereiche, bei dem die Vergleichspartikel "wie" und die dem Vergleich zugrundeliegende Hinsichtnahme (tertium comparationis) fehlen, beispielsweise Das "Haupt" der Familie.
In der kognitiven Linguistik werden Metaphern als eine der wesentlichen Strukturierungen des Denkens angenommen (Lakoff/Johnson 1980). Diese Strukturen werden als 'konzeptuelle Metaphern' bezeichnet und vereinen einen Quellbereich sowie einen Zielbereich. Als Beispiel könnte 'Das Leben' (Zielbereich) 'ist eine Reise' (Quellbereich) genannt werden. Dieses Konzept vereint zahlreiche gängige metaphorische Ausdrücke (beispielsweise "Am Beginn des Lebens", "Lebensweg", "Stolpersteine" etc.). Metaphorische Kreativität ist demnach vor allem innerhalb der bestehenden Konzepte möglich. Recht analog ist die Terminologie von Harald Weinrich, der die Regularitäten der Bildlichkeit als 'Bildfelder' kennzeichnet, denen ein gemeinsamer 'Bildspenderbereich' und ein gemeinsamer 'Bildempfängerbereich' zugeordnet ist.

Zu den modernen Metapherntheorien zählen außer der kognitiven Linguistik auch die pragmatische Metapherntheorie und Coenens Theorie zum Analogieverhältnis der Metapher. Die pragmatische Metapherntheorie ist Teil einer pragmatisch orientierten Grammatik und gibt fünf Merkmale metaphorischen Sprechens an:

Die Metapher ist Teil einer Äußerung, untersucht wird ihre Stelle und Funktion im Kontext. Erkannt wird sie nicht aufgrund von Regeln, sondern kontextbezogen. Der kommunikative Sinn ergibt sich aus der Äußerungssituation heraus.

Die Metapher soll nicht auf ihr Wesen hin untersucht, sondern kann nur für den jeweils konkreten Zusammenhang erklärt werden. Über die Betrachtung des Metapherngebrauchs und deren Erklärung kommt man zur jeweiligen kontextbezogenen Bedeutung. Eine umfassende Beschreibung ist daher nicht möglich.

Die Metapher läßt sich nicht durch einen eigentlichen Ausdruck ersetzen (Mrs. Thatcher is a bulldozer.). Paraphrasen wie z.B. ein Vergleich können genauso unwahr sein.

Die Verwendung der Metapher liegt zwischen Kreativität und Regelgeleitetheit (Für eigene Fehler sind die Menschen Maulwürfe, für fremde Luchse.). Die Metaphernbildung greift auf konventionelle Verwendungsweisen zurück, die ursprüngliche Bedeutung bleibt im neuen Verwendungszusammenhang erhalten.

Das metaphorische Sprechen wird als kommunikatives Verfahren bewusst angewendet und enthält eine bewusste Doppeldeutigkeit. Durch den Interpretationsprozeß, der entsteht, weil Inkongruenz zwischen Metapher und Kontext herrscht, findet Interaktion zwischen den Sprechern statt. Der außergewöhnliche Wortgebrauch stellt so eine sinnvolle und aufschlußreiche Abweichung dar.

Einen anderen Ansatz verfolgt Coenen mit seiner These vom Analogieverhältnis der Metapher. Das Bilden von Metaphern wird bei ihm als motivierter Akt verstanden. Ein als Metapher verwendetes sprachliches Zeichen erscheint nicht in seiner Kernbedeutung (Denotation, von Coenen als "Theoretischer Anwendungsbereich" bezeichnet), sondern mittels ihm eigener Konnotation (dem sog. "metaphorischen Theoretischen Anwendungsbereich"). Dabei kommt es zu einem für den Rezipienten meist überraschenden Wechsel des Bildfeldes des sprachlichen Zeichens. Ein Bildfeld besteht nach Coenen aus einem Bildfeldbereich und dazugehöriger Positionsmenge. Zwei oder mehr voneinander verschiedene Bildfelder können mittels einer gemeinsamen Strukturformel (Analogiewurzel) verbunden werden. Eine Analogiewurzel ist dabei die Menge aller Beschreibungen, die eine Analogie begründen. Mittels dieser Stukturformel ist es möglich, die Elemente der Positionsmengen der teilnehmenden Bildfelder paradigmatisch auszutauschen und zu einer neuen Metapher zusammenzusetzen. Die Decodierung der Metapher erfolgt (sofern es sich nicht um eine "tote Metapher" = lexikalisierte Metapher handelt) über die Konnotation ihrer sprachlichen Zeichen. Der Empfänger bedarf daher zur erfolgreichen Decodierung nicht nur des Wissens um die Kern-, sondern auch um die Randbedeutung eines sprachlichen Zeichens.

Il y a des gens qui n'ont ni droit ni raison d'être heureux, comme si le bonheur existait indépendamment de soi

Le Baiser de Judas, Ernest Hébert, 1848.




Victime des trahisons successives, il continue à vivre sous le coup d'une catastrophe dont il anticipe les effets de rupture, ruptures qui ressortissent à une pathologie de l'abandon. Et le négativisme si souvent évoqué à ce propos, consisterait pour le sujet à se préserver d'un retour possible de la catastrophe originelle en refusant tout investissement d'objet susceptible de le provoquer.
Le sujet mélancolique dément alors que la réalité conserve quelque intérêt et son attitude offre matière à penser une figure de la négation particulière, distincte aussi bien du déni Verleugnung que de la forclusion Verwerfung.
En effet, le sujet ne nie pas la réalité perceptive et ne fait pas non plus comme si elle n'existait pas ; bien plutôt en reconnaît-il les bénéfices pour les autres, rapportant à lui la vanité de toutes choses et la fatalité qui le poursuit à devoir la dévoiler si lucidement.

20 février 2006

La perception morcelée


La Venus del Espejo, Diego Velasquez, 1651



Percevoir veut dire pouvoir établir un contact avec le monde extérieur : dans ce que je vois il y a toujours une partie évidente et une partie inconnaissable, et la partie inconnaissable n’échappe pas à la perception : elle est là, tout en échappant à la pensée. Qu’est-ce que cette partie inconnaissable de l’objet perçu ? Toute perception est « doublée » par la pulsion, la sensation pure n’existe pas. Freud écrit en 1925, dans La dénégation : « il ne s’agit plus de savoir si quelque chose du perçu (une chose) doit être admis ou non dans le sujet, mais si quelque chose de présent dans le sujet comme représentation peut aussi être retrouvé dans la perception (réalité). C’est comme on le voit, de nouveau une question de dehors et dedans. » Ce qui nous revient du dehors n’est rien d’autre que ce que nous avons rejeté dehors (Ausstossung) du dedans lors du refoulement primaire : la signification phallique de notre corps, notre identification au désir de l’Autre. Comment se défendre alors de la force pulsionnelle et anéantissante des objets sensibles, les objets qui nous reviennent du dehors, les objets de notre perception ? La pensée, produit du refoulement, grâce à l’enchaînement des mots qui produisent du sens, nous protège du « trop » pulsionnel de chaque sensation. Chaque phénomène, aux yeux de Kant, présente deux faces : il est objet d’expérience, « phénomène » et aussi « Chose en soi » (Ding an sich) inconnaissable. Dans toute perception, qui passe inévitablement par le langage, nous avons accès au « phénomène » et non à la « Chose en soi », la Chose pulsionnelle que nous avons rejetée et qui est pourtant là, présente dans tout objet perçu.Percevoir est un acte, grâce au refoulement qui est l’acte du sujet qui dit non à sa pulsion : pulsion toujours au service de l’Autre, pulsion qui anéantirait le sujet si elle était satisfaite.L’intentionnalité de la conscience dans l’acte de percevoir est une tentative d’ouverture à l’autre, mais comme dit Merleau-Ponty dans Le visible et l’invisible, « il faut que celui qui regarde ne soit pas lui-même étranger au monde qu’il regarde » : l’objet est encore, pour une bonne partie, le sujet dans la perception, ce qui veut dire qu’il y a un narcissisme fondamental dans toute vision. Merleau-Ponty a sûrement été séduit par le modèle du narcissisme de Freud : deux lèvres qui se baisent elles-mêmes, fantasme dans lequel toute répartition entre sujet et objet est abolie.Le narcissisme de Freud, commenté par Lacan dans le « stade du miroir » diffère du mythe de Narcisse tel qu’il est décrit dans les Métamorphoses d’Ovide. Le miroir lacanien est une sorte de re-mède orthopédique au morcellement du corps, tandis que le miroir pour Narcisse est l'origine du drame, ce qui cause sa mort. Quand Narcisse se reconnaît dans son image, il est pris par le désespoir, il n’y a pas la jubilation comme pour l’enfant devant le miroir. Le drame de Narcisse est le drame de l’« un », de l’« un » de son corps, de son corps unifié pour se faire objet du désir de l’Autre. Narcisse ne peut pas « se séparer » de lui-même et donc de l’Autre. L’acte de se frapper à la poitrine n’est rien d’autre que la tentative de se couper en deux, de vouloir détacher son être de son image. En revanche, l’enfant face au miroir est séparé de son image : autrement dit, le « je » ne fait pas partie de l’image reflétée, il est hors miroir. Heureusement, le sujet ne fait pas « un » avec son image, il est autre et il peut rencontrer l’autre. Narcisse est prisonnier de l’image au miroir et il ne peut que connaître un amour narcissique : sujet et image correspondent parfaitement, l’autre est toujours lui-même, le « un » du phallus de l’Autre (maternel) est entièrement réalisé. Si la tragédie de Narcisse est celle du corps unifié, celle du narcissisme c’est l’unité perdue : autrement dit, l’unification face au miroir est imaginaire, le corps reste décomposé en plusieurs pièces détachées qui cherchent irrémédiablement à se réunir : mais le sujet n’est pas son image, les deux ne font pas l’« un » du corps de Narcisse !Le sujet est divisé comme l’objet de sa perception : l’objet n’est jamais « un » comme le corps de Narcisse, il se donne toujours dans une incomplétude, dans une multiplicité d’états. Husserl au cours de la Sixième Recherche logique affirme que dans la perception, « L’objet n’est pas donné effectivement, c’est-à-dire qu’il n’est pas donné pleinement et intégralement tel qu’il est en lui-même » : ce qui se donne dans la perception ne peut être qu’incomplet, à cause de la multiplication infinie de renvois à d’autres donations possibles. Un même moment de la chose se manifeste à travers une multiplicité d’apparitions, d’« esquisses » (Abschattungen). Le monde des objets perçus est comme un miroir pour le sujet, mais heureusement il s’agit d’un « miroir lacanien » ; le sujet —grâce à l’action de la conscience, produit du refoulement— ne retrouve pas que soi-même, il y a de l’autre dans la perception, le sujet peut faire des relations, des comparaisons entre lui et les objets et entre les objets eux-mêmes : c’est un rapport à l’autre, aux autres, et non à l'Autre-Un, devant lequel on ne pourrait qu'être passif.Mais les choses (l’autre) n’agissent pas directement sur moi, leur action résulte de ma passivité : pouvoir être affecté par les choses. On voit bien maintenant la différence entre les deux formes de passivité : la passivité face à l’Autre-Un se distingue de l’autre passivité (être affecté par les choses), passivité qui se révèle finalement être une activité. Cette passivité-activité provoque l’action des choses sur moi ; mon corps, en tant que chair, comme dit Merleau-Ponty, est le seul corps physique qui ait le privilège de sentir une autre chose (un autre corps) que lui-même. (Aux yeux de Merleau-Ponty, le corps ne peut pas être considéré exclusivement comme un corps biologique, mais comme chair, c'est-à-dire ce qui est ontologiquement antérieur à la distinction entre objet sensible et sujet sentant.) Le corps passe ainsi de « se sentir soi-même » à « sentir l’autre », l’auto-affection rend possible l’hétéro-affection. On arrive toujours à percevoir « un peu » d’autre : comme devant le miroir, lorsqu’on voit toujours un autre, même si on croit voir soi-même. Ce qui nous sauve de l’engloutissement de l’Autre, c’est précisément ce malentendu, l’illusion à la place de la vérité. La vérité comporte toujours du danger : mais ce qui dans l’acte de percevoir parle du sujet, échappe enfin à ce dernier, qui reste, grâce au refoulement, ignorant de ce qu’il aurait du être pour satisfaire le désir de l’Autre. Nous ne sommes jamais dans la vérité : qu’en serait-il du sujet si le réel se donnait tel quel, si la conscience pouvait percer son mystère ? Finirait-il, le sujet, par se reconnaître en tant qu’objet du désir de l’Autre comme a fait Narcisse ? Les énigmes du monde renvoient à l'énigme du sujet ; le morcellement des « esquisses » dans la perception —le fait que l’objet perçu n’est pas un « tout » donné dans son évidence— et le morcellement du corps du sujet —le fait que le corps ne soit pas réellement une unité, mais seulement de façon imaginaire—, « protègent » de la vérité du réel, réel qui ramènerait —si ce réel pouvait être consciemment perçu et donc si on pouvait en dire quelque chose—, à l’expérience traumatique pour le sujet d’être le phallus de l’Autre. Si le monde était clairement et complètement perçu, cette objectivation massive nous écraserait. Dans le complexe de Nebenmensch de Freud, ce qui nous échappe du réel en face de nous est aussi ce qui nous échappe de nous même : le réel traumatique du refoulement originaire.La conscience constitue l’écran qui nous sépare du réel et qui nous introduit à la réalité, le monde tel qu’il est perçu. Chaque acte de conscience s’établit grâce à une base de données inconscientes qui produisent des effets psychiques : mon inconscient « travaille » quand je perçois un objet, mais de quelle façon travaille-t-il ? L’inconscient calcule, mais il ne pense pas. L’inconscient n’est pas fait de signifiants comme la conscience, mais de traces qui sont comme des « images mnésiques ». (Freud dans « Le refoulement » parle de « chaînes de pensées » tandis que dans « L’inconscient », écrit lui aussi en 1915, il parle de « trace acoustique » de « traces mnésiques » et même d’« images mnésiques ». Nous considérons le terme de « trace mnésique » plus approprié.) Ces images-traces opèrent de façon multiple mais toujours logique —bien évidemment, il s’agit d’une logique des paradoxes non aristotélicienne—, ce qui n’invalide pas le fameux adage de Lacan « l’inconscient est structuré comme un langage ». (Lacan dit dans le séminaire sur Le sinthome le 17 février 1976 : « comment savoir si l’inconscient est réel ou imaginaire ? ». Il paraît désormais qu’il exclue que l’inconscient soit d’ordre symbolique).Freud dans « L’inconscient » décrit la « représentation de chose » (Sachworstellung) dans l'in-conscient comme « l’investissement, sinon des images mnésiques directes de la chose, du moins des traces mnésiques plus éloignées et qui en dérivent. » La représentation inconsciente est la « représentation de chose » seule, tandis que la représentation consciente comprend la « représentation de chose plus la représentation de mot » (Wortworstellung) qui lui appartient. Mais comment la représentation consciente, peut-elle comprendre aussi « la représentation de chose » qui est refoulée, donc inconsciente ? Autrement dit, sous quelle forme la « représentation de chose » peut-elle affleurer à la conscience ? A suivre Freud dans l’Esquisse, la Chose (das Ding) —l’expulsion traumatique du refoulement primaire— liée au neurone a, est définie par contraste avec ses différents « prédicats » (Prädikat), situés dans le neurone b, variable. La représentation de la Chose freudienne correspond à la lettre a, trace, si nous suivons à la lettre Freud, de la Chose. En revanche, nous pouvons discerner par la série des lettres b, soit b1, b2, b3, bn, les différents prédicats des jugements ou des locutions (du latin loqui, « parler ») qui déterminent la singularité des différentes représentations imaginaires de la Chose : (a+b1)+(a+b2)+(a+b3)+(a+bn). Comme nous pouvons voir, a, ne se donne pas dans la chaîne de paroles b1+b2+b3+bn : au contraire, elle est « présente », indirectement, comme « autre chose » (Sachworstellung+Wortworstellung) dans (a+b1)+(a+b2)+ (a+b3)+(a+bn), sous forme de symbole (a n’est jamais seule mais toujours avec b). Certaines images stockées dans l’inconscient peuvent affleurer à la conscience et se transformer en symboles, comme par exemples, les images du rêve. Freud, dans la Traumdeutung, explique que le contenu du rêve se donne comme dans une écriture faite d’images (hiéroglyphiques), dont chaque signe est à traduire dans la langue des pensées du rêve, en tant que symbole (a+b1) en relation avec d’autres symboles (a+b2)+(a+b3)+(a+bn). Le symbole prend de la valeur en fonction des associations qu’il engendre et oriente par la suite tout jugement subjectif. Toute perception est contaminée par le symbole —qui contient en lui la puissance de la pulsion—, ainsi que toute mémoire consciente est faussée par le jugement produit par l’enchaînement des symboles issus de l’inconscient.Pour rendre consciente une chose, il faut en refouler une autre, tout signifiant implique forcément un signifié. L’acte de la parole cherche à établir un rapport entre le sens et le réel, comme s’il y avait une sorte d’harmonie, un accord entre la réalité et le réel. Mais le langage n’est pas l’entrelacs entre le sujet et la chose : c’est l’illusion de la science moderne —et d’une certaine philosophie aussi, comme la conception augustinienne du langage, selon laquelle le sens d’un mot est toujours lié à l’objet qu’il représente— de penser que les mots correspondent aux choses, que le langage dévoile complètement le monde. Le symbolique précèderait alors le réel, comme si le monde se disposait à partir du langage : par exemple, dans le principe de gravitation, les planètes sont placées dans l’univers selon les formulations de Newton, même sans qu’on puisse expliquer la raison. Newton ne donne aucune explication de la force d’attraction, il dit seulement que les effets observés peuvent être expliqués à partir de la loi F = k [(m*m_)/d_] sans assurer que cette force existe effectivement dans la nature. Le symbolique n’est pas le point d’union entre le sujet et le monde : la Chose (le réel) n’est pas dans où avec la parole, le mot est le meurtre de la Chose, dit Lacan avec Hegel. Réel et symbolique ne sont pas en accord entre eux : il s’agit d’un réel auquel les mots —et donc la pensée— n’ont pas droit d’accès : il est pénible, impossible dit Lacan, de supporter un réel qui ne peut pas se dire ! Pourtant le réel se montre. Cela ne veut pas dire qu’il soit visible tout court. Il y a un dedoublement du visible, dedoublement en une visibilité manifeste (la vision), et une visibilité secrète (le regard). « Puisque les choses et mon corps sont faits de la même étoffe, il faut que sa vision se fasse de quelque manière en elles, ou encore que leur visibilité manifeste se double en lui d’une visibilité secrète », écrit Merleau-Ponty dans L’œil et l’esprit. Cette visibilité secrète n’est pas une transcendence, n’est pas un au-delà du visible, mais c’est le visible même. Comment fair voir le visible dans le visible ? Le visible, en un certain sens, n’est pas un donné, mais un produit. Paul Klee disait que la peinture cherche à rendre visible le visible, on pourrait dire la même chose de la psychanalyse : elle ne va pas découvrir le secret, on ne cherche pas au-delà de ce qui est visible. Comme devant l’anamorphose, pour voir l’image, le sujet doit se déplacer, se mettre dans le bon angle. Remarquons l’importance du « point de vue » (le point de fuite) dans la peinture de la Renaissance. C’est dans les lois de la perspective que sujet et objet se rencontrent. L’exactitude de la représentation paraît être assurée dès lors que l’artiste respecte les lois de la perception, de l’anatomie, de la géométrie. Encore une fois on croit que le symbolique (avec ses lois) peut percer le réel. Lacan n’est pas un géomètre : il passe de la précision, la complétude, la fermeture géométrique, à l’incomplétude de la topologie. (Lacan passe de la sphère à l’asphère —noter le a—, une sphère qui n’est pas fermée car il n’y a pas d’intérieur et d’extérieur et divisée : pensons au cross-cap, une sphère coupée par une bande de Möbius.)La peinture n’est pas que du symbolique, bien sûr, mais aussi de l'imaginaire : comme la perspective géométrique cherche à représenter le monde dans une surface qui est le tableau, de même Lacan, avec le travail des nœuds, effectue des opérations dans les deux dimensions de l’imaginaire. Et nous « voyons » ces opérations… Le travail des nœuds vise au réel mais inclut l’imaginaire (l’imaginaire des nœuds n’a rien à voir avec la jubilation de la forme du stade du miroir). Les séries d'opérations éffectuées avec les nœuds impliquent toujours une contrainte : par exemple, compliquer un nœud avant de le dénouer —la même chose peut se passer en analyse : parfois il faut compliquer pour défaire— est une contrainte, c’est une contrainte réelle sur l’imaginaire. L’opération de réduction de la complexité des nœuds (selon la théorie de Reidermeister) est bien évidemment une opération imaginaire, mais qui permet en même temps une réduction de l’imaginaire. Le signifiant est désormais détrôné de sa position-maître vis à vis du réel. La conception de Lacan est sûrement proche de celle de Wittgenstein qui, à la fin du Tractatus, écrit : « Il y a sûrement de l’indicible. Il se montre, c’est la Mystique. » Mais à propos de la mystique, on peut envisager que le philosophe et le psychanalyste soient en désaccord : le nœud borroméen transforme le mystère du réel en problème à dénouer. On s'écarte alors d’une conception transcendante du réel : nous avons enfin une chance d'échapper à la métaphysique.

Moi.

Soft Self Portrait, Dali, 1941.


Les instances idéales du Moi détermineraient donc la dynamique mélancolique au sens où l'idéal du Moi, comme instance, qui répond à l'identification parentale et sociale, recouvrirait quasi totalement le Moi idéal, comme instance qui répond à l'exaltation de la singularité du Moi. Le sujet mélancolique conforterait cette hypothèse par le peu d'attention qu'il porte à son image et qui peut aller jusqu'au sentiment d'étrangeté ou de dépersonnalisation (le sentiment de dévitalisation du monde et de soi semblerait ici plus pertinent.
En termes de stade du miroir lacanien. Tout se passe comme si le sujet mélancolique s'était trouvé devant un cadre vide à l'intérieur duquel il n'y avait pas d'image, mais simplement rien.
Et sans doute le «je ne suis rien» du sujet mélancolique témoigne-t-il de cette expérience traumatique en signifiant à la fois la défaillance de l'image spéculaire et la condamnation du destin. S'identifier au reflet du miroir, c'est encore se voir en fonction d'un premier regard porté sur soi ; aussi bien dépend-il du regard de l'autre posé sur l'enfant que celui-ci se découvreà son tour par les mêmes yeux qui l'ont identifié une première fois. Et pour peu que ceux-ci aient traversé l'enfant sans le voir, sans lui attribuer les cernes qui inscrivent le corps dans l'espace, il en résultera pour lui une fixation mortifère au seul cadre vide, au seul Idéal du Moi désespérément inaccessible.
Les rêves des mélancoliques le prouvent qui mettent en scène des personnages «au regard perdu au loin» que les rêveurs essaient vainement de saisir. Et ce vide du regard, non sans rapport avec le sentiment de dévitalisation du monde, les incite encore à chercher derrière les choses, derrière la réalité inerte, des indices d'une vérité cachée. Or, derrière le cadre vide, autrement dit derrière le miroir, il n'y a rien. Lacan souligne très justement à ce propos , dans le séminaire X sur l'angoisse, l'identification au rien des mélancoliques comme à ce qui n'appartiendrait pas au registre spéculaire, et qui expliquerait la forme fréquente des suicides mélancoliques par défenestration.

19 février 2006

Victor Hugo (1802-1885), Les Contemplations.

Mort d'une jeune fille, Pierre-Auguste Vafflard, 1804






















Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : "Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes !"
O servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, oeuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les coeurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus crétin !-
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil.

Carpe diem quam minimum credula postero

La continence de Scipion, Niccolo dell' Abbate, 1552


Le mélancolique sait qui il a perdu, mais non ce qu'il a perdu en l'objet disparu, et, d'autre part, il semble approcher la vérité de plus près que les autres, cette vérité qui fait qu'à son approche, on tombe nécessairement malade. Et sans doute s'agit-il encore de cette vérité qu s'exprime dans le discours mélancolique sous la forme d'arguments pseudo-philosophiques tels que : «de toute façon il n'y a pas de sens, il n'y a pas de vérité, donc ce n'est pas la peine de faire quoi que ce soit, etc.» Le sujet sombre dans une apathie morbide qui le fait répéter indéfiniment les mêmes propos d'une voix blanche, sans intonation particulière.

La position du sujet mélancolique comme figure particulière de la castration :
Le mélancolique affirme la castration en soulignant le non-sens inhérent à la vie et croit au destin qui lui aurait légué cette vérité mortifère en lui accordant de ce fait une place d'exception. On devine qu'en cette position se noueront souffrance et jouissance, et que le sujet mélancolique ne sera pas prêt à l'abandonner sans autre compensation.

Sans doute le mélancolique a-t-il approché de trop près cette vérité qui rend malade, celle qui renverse la fausse assurance de l'identité en dénonçant la nature illusoire du Moi.
Dans cette vue, que le sujet mélancolique ne sache pas ce qu'il a perdu dans l'objet, et qu'il tente de résoudre les conséquences de la perte par les effets de l'identification narcissique, indiquerait bien qu'à travers l'objet, il visait une image dont la moindre modification pouvait provoquer son propre effondrement. On observe d'ailleurs chez les mélancoliques ces sortes d'attachement qui, à la moindre difficulté, se rompent aussi soudainement qu'ils avaient commencé, dans la déception à chaque fois renouvelée de la trahison :
On m'a encore trahi, et de toute façon, cela ne pouvait que se passer comme cela, etc. En cela réside sans doute l'interprétation de la répétition de l'échec dans la mesure où l'autre se voit dans l'obligation de supporter les traits d'une image idéale qui ne doit à aucun prix défaillir. Tâche insupportable que celle de tenir lieu de modèle, tâche à laquelle le sujet mélancolique voue l'autre comme si son identité singulière en dépendait [...] Le narcissisme suppose [...] qu'on se prenne soi-même comme objet et requiert de ce fait la reconnaissance des limites du corps et l'appropriation de l'image spaculaire. Aussi bien pourrait-on situer la faille narcissique dans la mélancolie au niveau de la constitution de cette image dans la mesure où elle semble se confondre avec un modèle idéal d'une telle rigidité qu'elle en reste définitivement hors d'atteinte.
Et l'on comprend ainsi le besoin vital du mélancolique de faire porter ses traits idéaux à un autre auquel il puisse ainsi s'identifier.

18 février 2006

Ataraxie, protection, sommeil ... artificiels et irréalisables


Giorgione , Sleeping venus, 1500.













Le mot besoin implique l’état d’un être vivant à l’égard de ce qui est nécessaire à sa conservation. L’animal a des besoins, comme l’homme peut aussi en avoir. Le besoin de sommeil, le besoin de manger, le besoin de boire, le besoin de respirer sont des besoins au sens strict. Un besoin se signale par des sensations spécifiques : soit dans l’ordre ici de la fatigue, la faim, la soif, l’étouffement. Il réapparaît de manière cyclique ou périodique, suivant l’horloge biologique de l’organisme. L’apparition d’un besoin appelle une réaction appropriée devant laquelle l’animal ne se dérobe pas. A l’inverse, l’homme, quand bien même il recevrait les signes avant-coureurs du besoin, est tout à fait capable de les outrepasser ou de les négliger. Nous n’écoutons pas nos besoins et nous les connaissons très mal. L’animal ne s’en écarte pas. Le chien qui se sent malade se met à jeûner de lui-même, tandis que l’être humain peut faire le contraire de ce que son instinct lui dicterait, s’il pouvait l’écouter. L’homme dispose d’une liberté de choix, d’un libre-arbitre, il n’est pas esclave des besoins, il peut les contrôler, les refuser ou les accepter. Le besoin caractérise la conscience vitale, il est par définition organique ou biologique. (texte) Or, parce que nous sommes essentiellement une conscience mentale, nous nous posons aisément face à face avec la conscience vitale. Il n’en reste pas moins pourtant que nous sommes bien des êtres incarnés et nous ne pouvons pas indéfiniment faire fi des exigences du corps. La privation de sommeil conduit à la mort au bout de quelques jours. Le corps ne pouvant éliminer les toxines dans le sommeil finit par s’empoisonner lui-même. La privation de l’état de rêve conduit semble-t-il, l‘homme à la folie, dans une sorte d’intoxication mentale. La privation de veille rend l’homme apathique. Nous devons assurer la satisfaction du besoin de nourriture et d’eau, sous peine d’encourir des troubles, puis la mort. Ce qui est en cause dans la satisfaction du besoin, c’est l’intégrité du vivant, l’intégrité de la vie biologique. Toute mise en cause à l’égard des besoins de l’individu, se traduit par une série de sensations douloureuses. Les sensations que le corps envoie sont des signes de ce que son intégrité est mise à mal et qu’il faut remédier à cette situation pour la retrouver. Quand un malaise s’installe dans l’organisme, il se perpétue comme douleur.

Cette relation à l’intégrité du corps nous montre que le besoin est inséparable de la tendance naturelle à la conservation de soi qui régit tout être vivant. La vie biologique veut toujours se conserver et s’accroître, et elle le fait en entretenant constamment sa propre structure. Or ce maintien de la structure du vivant suppose un échange constant avec le milieu, une régulation du corps, ce qui se traduit par de multiples besoins.
Nous pourrions alors appeler par extension besoins matériels l’ensemble des satisfactions nécessaires à la conservation de l’être humain, ce qui engloberait les différents besoins. A ce titre, il est indéniable que l’homme a besoin de : se vêtir, de bénéficier d’un abri, d’être secouru dans la maladie, de recevoir une éducation correcte, des soins et d'une culture etc. Bref, il y a des besoins qui semblent nécessaires pour vivre et sans lesquels on ne voit pas comment une vie proprement humaine pourrait s’établir. Le médecin a compétence pour apprécier la mesure des besoins biologiques. Il revient à l’économie politique de veiller à la répartition et à la satisfaction des besoins en société, car une société est structurée sur l’échange et c’est l’échange qui permet la satisfaction des besoins de tous.

Cependant cette acception du terme de besoin a un inconvénient en raison de son extension abusive. On finit par y incorporer tout et n’importe quoi. Il est très facile de poser une multitude de besoins et de dire qu’ils sont « nécessaires ». Pourquoi ne pas parler d’un " besoin vital " au sujet du téléphone portable, de la télévision, de la chaîne hi-fi, de l’ordinateur ou du four à micro-onde etc. ? On peut alors se demander ensuite si l’on ne fait pas passer pour des besoins ce qui est en fait plutôt relatif à un ordre qui est celui du désir. Faut-il se battre pour que chacun puisse avoir tel ou tel objet technique, en considérant que c’est un besoin essentiel à notre vie ? Qu’est-ce qui est réellement essentiel à la vie et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Comment définir le besoin par rapport au désir ?

Il y a un point très important que nous pouvons examiner, c’est le passage du besoin au désir. Le besoin se manifeste de manière périodique et implique la structure de l’habitude. Le corps fonctionne de manière très répétitive et avec régularité il impose des cycles de sommeil, de veille, de nourriture, de saisons. Il est possible de se servir de sa docilité pour imprimer dans le corps de nouvelles habitudes qui dès lors se manifesteront alors comme de nouveaux besoins, tout aussi impérieux que les besoins biologiques. C’est exactement ce qui se produit dans toutes les formes d’accoutumance. Le fumeur invétéré n’a pas seulement un désir de fumer, il a inscrit dans son corps un besoin de fumer. Il a habitué son corps à sa dose de nicotine, à sa dose de calmant pour états anxieux. Quand il ne peut pas fumer pendant deux ou trois heures, il ressent un véritable malaise dû au manque. Ce n’est pas la simple velléité d’un désir. Un sillon a été tracé par les habitudes dans la mémoire du corps ; le corps a pris l’habitude de répéter l’absorption du tabac. Immanquablement, il en résulte une désensibilisation. Il faut alors augmenter la dose pour obtenir le plaisir que l’on attend ce qui ne manque pas de etc. Un besoin artificiel a été créé qui est ressenti exactement comme les autres besoins. Le fumeur qui ne peut fumer se sent très mal, très nerveux, il se sent diminué dans son sentiment d’exister, comme il se sentirait diminué au cours d’un jeûne prolongé. Cela explique pourquoi le sevrage doit être progressif. Il doit remplacer les mauvaises habitudes par de bonnes habitudes, qui seront encore des habitudes. De même, la drogue, qu’elle soit légale ou illégale, devient un besoin pour ceux qui deviennent dépendants.
Il en est de même pour tous les comportements répétitifs, compulsifs, pour ces manies "dont on ne peut plus se passer "et qui relèvent d’une sorte de dépendance. Cela va du besoin compulsif d’acheter, au besoin compulsif d'aller au cinéma, de marcher etc. Tous ces comportements indiquent une répétition d’habitudes qui, d’elles-mêmes, de part leur propre inertie, engendre un besoin régulier qu'il devient nécessaire de satisfaire. Comme dans ce processus, ce qui est en cause,c’est la propension de la conscience à se procurer une satisfaction à travers une action répétée, il n’y a guère de limites à cette création d’un besoin et il peut prendre n’importe quelle forme : besoin compulsif de courir, d’écrire, de peindre, de faire du mal, de boire, d’assouvir sa sexualité etc. C’est d’ailleurs ce que la plupart d’entre nous nommons aussi nos " passions ".
Curieusement pourtant, le désir est entendu couramment comme la dimension de ce qui est superflu, - voyez la contradiction dans l'opinion commune - comme ce qui est artificiel et non pas naturel, il est alors opposé au nécessaire qui est la dimension du besoin. Nous voyons bien que cette opposition est insuffisante. Il y a un passage depuis l’ordre mental du désir, vers le plan vital du besoin. Le désir caractérise la conscience mentale.

Comment passe-t-on alors du besoin au désir ? Dans le langage de Hegel, cela revient à différencier le moi-naturel (celui du désir naturel) du moi-humain. Tant que la conscience en reste à la seule satisfaction de ses tendances, elle est enfermée dans le narcissisme du besoin. Elle est prisonnière du corps. Il n’y a que la conscience de l’individualité organique. Elle s’affirme certes, mais par une simple négation de son objet corrélatif. Je me pose face à l’objet, la pomme, et je la consomme et c’est ainsi que mon moi-vital se constitue. Cependant, en tant qu’être humain, je ne peux pas me contenter de la seule satisfaction de mes besoins. J’ai peut-être besoin d’un abri, mais je désire plutôt un palais qu’une cabane. J’ai besoin de manger, mais je désire une nourriture raffinée plutôt qu’une simple bout de pain. Où est la différence ? La réponse de Hegel a une certaine importance. Le moi ne désire pas tout seul, le moi désire par rapport à un autre moi. L’entrée en scène du désir est l’apparition de la conscience de l’autre et donc de la sociabilité. Le palais est désirable, parce qu’il contribue à ma fierté, au sentiment de mon importance devant l’autre. Il me permet d’être envié. Mieux, il me permet d’être moi-même désiré. La nourriture raffinée de même, prend tout son sens dans l’enthousiasme et les commentaires qu’elle va susciter, dans la convivialité qui est présente dans le cérémonial du repas. La nourriture raffinée joue le rôle de médiateur, pour le faire-valoir de chacun. Le désir implique la relation intersubjective du moi avec l’autre moi. En un mot : il y a dans le désir le plus simple une dimension qui est celle du désir de reconnaissance propre à l’ego. Ce que l’ego cherche, c’est à se faire valoir devant un autre moi. Le désir suppose une demande à l’égard de l’autre capable de nourrir le sentiment du moi. A travers ses désirs ce que le moi désire vraiment, davantage que l’objet qu’il recherche, c’est une reconnaissance de sa propre valeur. Le moi doute tellement de sa propre valeur qu’il veut se voir confirmé dans sa valeur par autrui : être enfin reconnu sous une forme flatteuse. En posant mon désir devant un autre, je ne suis plus rien, je deviens quelqu’un, je prends l’importance du propriétaire du palais, du cuisinier dont on fera l’éloge. Je ne suis plus un type quelconque, je me pavane en moto et tous les regards sont sur moi. Chacun de mes désirs peut être l’exhibition de ma fierté, de mon orgueil, peut me donner un sentiment de mon importance et de ma supériorité.

Cette analyse explique la valeur du luxe, du superflu qu’est l’artifice et le faire-voir. La reconnaissance se sert de l’artifice comme d’un faire-valoir. Qu’importe ce que vaut l’objet au fond. Ce que le moi cherche c’est à se faire-voir sous un jour qui soit le plus valorisant possible. Aussi est-il amené à désirer ce qui "en met plein la vue ", c’est-à-dire la représentation qui donne le plus de valeur. Cela explique pourquoi le désir s’écarte si loin du simple besoin. Nous ne désirons que rarement ce dont nous avons vraiment besoin. Ce que nous désirons est plutôt dans ce que nous nous représentons comme indispensable pour avoir une valeur devant autrui. Le gadget d’enfant que l’on montre à la récréation sert surtout à cela ! Il sert à aider le moi à pouvoir s’affirmer vis-à-vis des autres en exhibant un objet fétiche. L’objet du désir prend son sens dans la relation. Il renforce l’ego. Aussi, quand le moi perçoit comme nécessaire la satisfaction d’un désir, ce n’est évidemment pas du tout dans un sens biologique, mais purement mental. Je dis que j’ai « besoin » de cet objet, mais en fait, ce qui compte, ce n’est pas l’objet, c’est le sujet : pour me sentir davantage reconnu, pour me sentir un homme, ou pour me sentir davantage femme etc. Cette dimension mentale du désir est sa vraie marque distinctive d’avec le besoin.

Dialectique, dialégéin

Jeremias Lamenting the Destruction of Jerusalem, Rembrandt 1630


















Choisir, mettre part, ou dialégomai, discourir, discuter.

Le patient mélancolique présente un type de discours très original centré sur une logique purement formelle, sans que jamais ne transparaissent de représentations ou d'affects correspondants. Le raisonnement se clôt sur lui-même et recommence indéfiniment dans la condamnation d'un futur entièrement déterminé par le passé. «Puisque cela a été... c'est et ce sera toujours comme cela.
L'ancienne logique des Mégariques pourrait bien servir de modèle à cette ratiocination pathologique qui, comme le lui reprochait Aristote, confond la «chose en acte» avec la «chose en puissance», autrement dit la réalité effective avec la logique des possibles. Ce mode de raisonnement circulaire conforte au plan du discours l'image du trou caractéristique de la mélancolie en insistant sur l'aspect répétitif du mouvement tourbillonnaire propre à l'organisation psychique du sujet.
Le complexe mélancolique se comporte comme une blessure ouverte attirant de toutes parts vers lui des énergies d'investissement (celles que nous avons nommées, dans les névroses de transfert, «contre-investissements») et vidant le moi jusqu'à l'appauvrir complètement» ; de l'hémorragie interne des Lettres à Fliess à l'évidement du Moi de «Deuil et mélancolie», c'est donc du même «tourbillon qui creuse» qu'il s'agit et qui donne encore au discours mélancolique sa forme et son mécanisme. Or, si l'on comprend dans le manuscrit G que l'énergie sexuelle psychique s'écoule comme par un trou faute de représentations sexuelles suffisantes, représentations qui, projetées sur l'objet extérieur, en rendent possible l'investissement, on retrouve encore cette même carence de représentations dans le formalisme du discours mélancolique dont la figure circulaire fait ainsi figure de bord.
On pourrait dire que le mélancolique vit dans un perpétuel état de deuil ou bien encore que la mélancolie ressemble à un deuil qui ne finit pas ; toutefois, elle rend compte encore de certaines caractéristiques propres au malade, telles les auto-accusations ou les injures qu'il se porte à lui-même et qui n'apparaissent pas chez l'endeuillé.

17 février 2006

αφροδίτη

La naissance de Vénus, Sandro Boticelli, 1485.

Vénus est la déesse de l'amour et de la beauté dans la mythologie romaine. Elle est équivalente à la grecque Aphrodite et à l'étrusque Turan.


Les autres figures pouvant correspondre à Vénus sont : Tlahuizcalpantecuhtli dans la mythologie aztèque, Kukulcan dans la mythologie maya et Sif dans la mythologie nordique.
Assimilée à l' Aphrodite grecque à partir du IIe siècle av. J.-C., elle était célébrée sous de multiples formes dans la Rome impériale.

Vénus ou Aphrodite est une des divinités les plus célèbres de l'antiquité : c'est elle qui présidait aux plaisirs de l'amour. Sur son origine, comme sur celle de beaucoup d'autres dieux ou déesses, les poètes ne sont pas d'accord. On a d'abord distingué deux Vénus : l'une s'est formée de l'écume de la mer échauffée par le sang de Cælus ou Uranus, qui s'y mêla, quand Saturne porta une main sacrilège sur son père. On ajoute que de ce mélange, la déesse naquit près de l'île de Chypre, dans une nacre de perle. Homère dit qu'elle fut portée dans cette île par Zéphyre, et qu'il la remit entre les mains des Heures, qui se chargèrent de l'élever. Cette déesse ainsi conçue serait la véritable Aphrodite, c'est-à-dire née de l'écume, en grec Aphros.On a donné quelquefois à cette divinité une origine moins bizarre, en disant qu'elle était issue de Jupiter et de Dioné, fille de Neptune, et par conséquent sa cousine germaine.Quelque origine que les différents poètes aient donnée à Vénus, et quoique souvent le même poète en ait parlé différemment, ils ont toujours eu en vue la même Vénus, à la fois céleste et marine, déesse de la beauté et des plaisirs, mère des Amours, des Grâces, des Jeux et des Ris : c'est à la même qu'ils ont attribué toutes les fables qu'ils ont créées sur cette divinité. Elle fut donnée par Jupiter comme épouse à Vulcain ; ses galanteries éclatantes avec Mars firent la risée des dieux. Elle aima passionnément Adonis, fut la mère d'Eros ou Cupidon ou encore l'Amour, celle du pieux Enée, celle d'un grand nombre de mortels, car ses liaisons avec les habitants du ciel, de la terre et de la mer furent incalculables, infinies.On lui éleva des temples dans l'île de Chypre, à Paphos, à Amathonte ; dans l'île de Cythère, etc. De là ses noms de Cypris, Paphia, Cythérée. On l'appelait aussi Dioné, comme sa mère ; Anadyomène, c'est-à-dire sortant des eaux, etc.Elle avait une ceinture où étaient renfermées les grâces, les attraits, le sourire engageant, le doux parler, le soupir plus persuasif, le silence expressif et l'éloquence des yeux. On raconte que Junon l'emprunta de Vénus, pour ranimer les feux de Jupiter et pour le gagner à la cause des Grecs contre les Troyens.Après son aventure avec Mars, elle se retira d'abord à Paphos, puis alla se cacher dans les bois du Caucase. Tous les dieux la cherchèrent longtemps en vain ; mais une vieille leur apprit le lieu de sa retraite : la déesse la punit en la métamorphosant en rocher.Rien n'est plus célèbre que la victoire remportée par Vénus, au jugement de Pâris, sur Junon et Pallas, bien que ses deux rivales eussent exigé d'elle que, avant de comparaître, elle déposât sa redoutable ceinture. Elle témoigna perpétuellement sa reconnaissance à Pâris, qu'elle rendit possesseur de la belle Hélène, et aux Troyens, qu'elle ne cessa de protéger contre les Grecs et Junon même.L'amour le plus constant de Vénus fut celui qu'elle éprouva pour le charmant et jeune Adonis, fils de Myrrha et de Cynire. Myrrha, sa mère, fuyant le courroux paternel, s'était retirée en Arabie, où les dieux la changèrent en l'arbre qui porte la myrrhe. Le terme de la naissance étant arrivé, l'arbre s'ouvrit pour faire jour à l'enfant. Adonis fut reçu par les Nymphes, qui le nourrirent dans les grottes du voisinage. Devenu adolescent, il passa en Phénicie. Vénus le vit, l'aima, et, pour le suivre à la chasse dans les forêts du mont Liban, elle abandonna le séjour de Cythère, d'Amathonte et de Paphos, et dédaigna l'amour des dieux. Mars, jaloux et indigné de cette préférence donnée à un simple mortel, se changea en sanglier furieux, s'élança sur Adonis, et lui fit à la cuisse une blessure qui causa sa mort. Vénus était accourue, mais trop tard, au secours de l'infortuné jeune homme. Accablée de douleur, elle prit dans ses bras le corps d'Adonis, et, après l'avoir longtemps pleuré, le changea en anémone, fleur éphémère du printemps.D'autres racontent qu'Adonis fut tué par un sanglier que Diane lança contre lui, pour se venger de Vénus qui avait causé la mort d'Hippolyte.Adonis, descendu aux Enfers, fut aimé encore de Proserpine. Vénus s'en plaignit à Jupiter. Le maître des dieux termina le débat en ordonnant qu'Adonis serait libre quatre mois de l'année, qu'il en passerait quatre avec Vénus, et le reste avec Proserpine.Sous le voile de cette fable, on peut reconnaître dans Adonis la Nature en ses diverses phases et sous ses différents aspects. Au printemps, elle se montre belle et féconde ; l'hiver, elle semble morte, mais bientôt elle reparaît avec la même splendeur et la même fécondité.Vénus n'est pas toujours, il s'en faut, la déesse aimable des Ris et des Grâces. Elle était fort vindicative, et impitoyable dans ses vengeances. Pour punir le Soleil (Phébus) de l'indiscrétion qu'il avait eue d'avertir Vulcain de ses amours avec Mars, elle le rendit malheureux dans la plupart de ses amours. Elle le poursuivit même par les armes, jusque dans ses descendants. Elle se vengea de la blessure qu'elle avait reçue de Diomède devant Troie, en inspirant à Egialée, sa femme, une passion pour d'autres hommes. Elle punit de même la muse Clio qui avait blâmé son amour pour Adonis, Hippolyte qui avait dédaigné ses attraits. Enfin, Tyndare lui ayant fait une statue avec des chaînes aux pieds, elle le punit par l'impudicité de ses filles, Hélène et Clytemnestre.Son fils Cupidon est aussi aimable et aussi cruel que sa mère.Dans le culte de Vénus, si répandu en Grèce et dans le monde ancien, se mêlent toutes les pratiques superstitieuses, les plus innocentes et les plus criminelles, les moins impures comme les plus déréglées. Les hommages qui lui sont rendus se rattachent à la diversité de ses origines et à l'opinion qu'en avaient eue différents peuples, à des époques diverses. Ce culte rappelait à la fois celui des divinités assyriennes et chaldéennes, de l'Isis égyptienne et de l'Astarté des Phéniciens.Vénus présidait aux mariages, même aux naissances, mais particulièrement à la galanterie. On lui consacra, parmi les fleurs, la rose ; parmi les fruits, la pomme et la grenade ; parmi les arbres, le myrte ; parmi les oiseaux, le cygne, le moineau et surtout la colombe. On lui sacrifiait le bouc, le verrat, le lièvre, et rarement de grandes victimes.On la représentait entièrement ou à demi nue, jeune, belle, habituellement riante, tantôt émergeant du sein des flots, debout, le pied sur une tortue, sur une conque marine, ou montée sur un hippocampe, avec un cortège de Tritons et de Néréides, tantôt traînée sur un char attelé de deux colombes ou deux cygnes. Les Spartiates la représentèrent tout armée, en souvenir de leurs femmes qui avaient pris les armes pour défendre leur ville.Le peintre Apelle avait représenté dans un admirable tableau la naissance de Vénus surnommée Anadyomène, c'est-à-dire « qui sort de la mer ». Ce tableau fut consacré à la déesse même par l'empereur Auguste, et il existait encore à l'époque du poète latin Ausone qui en fait une courte, mais vive description. « Voyez, dit-il, comme cet excellent maître a bien exprimé cette eau pleine d'écume qui coule à travers les mains et les cheveux de la déesse, sans rien cacher de leurs grâces » ; aussi, dès que Pallas l'eut aperçue, elle adressa ces paroles à Junon : « Cédons, cédons, ô Junon, à cette déesse naissante tout le prix de la beauté. »Il existe de Vénus un grand nombre de statues : les plus belles et les plus célèbres sont la Vénus de Médicis que l'on croit être une copie de la Vénus de Cnide, exécutée par Praxitèle, la Vénus d'Arles, la Vénus de Milo, découverte à Milo par le comte de Marcellus, en 1820.Sur une médaille de l'impératrice Faustine, on voit l'image de Vénus mère : elle tient une pomme de la main droite, et de la gauche un petit enfant enveloppé de langes. Sur une autre médaille de la même impératrice, on a représenté Vénus victorieuse. Elle s'efforce, par ses caresses, de retenir le dieu Mars qui part pour la guerre.Une des plus curieuses statues de cette déesse variété de la Vénus hermaphrodite, c'était la Vénus barbata. Elle se trouvait à Rome, et représentait dans sa partie supérieure un homme portant une chevelure et une barbe abondantes, tandis que dans sa partie inférieure, elle figurait une femme. Cette singulière statue fut consacrée à la déesse à l'occasion d'une maladie épidémique, à la suite de laquelle les dames romaines perdaient leurs cheveux. C'est à Vénus qu'on en attribua la guérison.Dans plusieurs tableaux modernes, cette divinité est représentée sur son char, traîné par deux cygnes : elle porte une couronne de roses et une chevelure blonde : la joie rayonne dans ses yeux, le sourire est sur ses lèvres : autour d'elle se jouent deux colombes et mille petits amours.Le vendredi, jour de la semaine, lui était consacré (Veneris dies).

Quid est homo? inbecillum corpus et fragile, cum bene lacertos exercuit, cujuslibet victima

Incrédulité de Saint Tomas, Rubens Pierre Paul, 1613


Le rapport d'équivalence entre les choses dépourvues de couleur affective, - situation-type du mélancolique - évolue vers le quiproquo esthétique [prendre une chose pour une autre, but poursuivi par la rhétorique, dans les modes indirects de signification, du symbole à l'expression]dans lequel le travail d'interprétation renforce l'arrangement de l'environnement déjà décrit.
En recoupant différents niveaux de langage, le quiproquo ouvre la voie à une économie passionnelle dans un effort de création dont l'équilibre oscille entre l'appel de l'anéantissement mélancolique et la sclérose de la répétition.

Lié à la rhétorique comme anamorphose du langage naturel, le quiproquo rejoindrait la question de la forme, mais, sans rapport avec la notion classique de l'unité, , il s'obstinerait, au contraire, à réunir en une même forme deux significations opposées ou bien deux domaines disjoints, dans une seule figure de style. [...] Il s'agit bien de combiner des images disparates et de découvrir des analogies cachées entre des objets ou des personnages apparemment sans rapport, dans le but de réserver aux initiés les secrets du décryptage.
Prendre une chose pour l'autre, c'est bien de cela qu'il s'agit, en effet, quand on parle de quiproquo et d'inconscient ; et si l'on élucide le quiproquo en analyse, c'est peut-être pour mieux le manier en esthétique, tant est néfaste la levée de rideau du destin. Celui-ci ne se laisse pas saisir à n'importe quel moment ; et c'est justement parce qu'il dévoile tout à coup les pans d'une logique régressive, celle qui replace l'opportunité du sort dans le déroulement d'une histoire individuelle, qu'il délivre l'accès à une compréhension d'après-coup. La faute d'Orphée fut d'avoir voulu entrevoir la béance dont procède le désir ; ne pas se retourner, c'était garder son illusion intacte et pratiquer la magie d'une croyance.
Loin de l'esthète, Orphée à confondu le désir avec l'objet, sans avoir pu se ménager une aire de rêve où les possibilités logiques surpassaient encore les possibilités réelles ; et le fantasme accompli l'a tué. L'esthète, au contraire, sait bien l'inéluctabilité du dénouement qui se referme sur la consécration du regret, mais en dépit de cette résignation tout idéelle et de cette compréhension d'après coup qui le fait se retourner sur son passé, il s'efforce d'exploiter ce dernier afin de prévenir la portée de l'événement futur. Et c'est alors une esthétique du dénouement qui domine maintenant la précipitation des événements, extrayant le temps de sa fugacité pour le rendre à l'activité répétée d'une synthèse du passé versée dans la maîtrise du futur.

15 février 2006

Déjanire

Nessos et Déjanire, par Guido Reni 1621

Dans la mythologie grecque, Déjanire, fille d'Œnée (roi de Calydon) et d'Althée, est la femme d'Héraclès.
Héraclès avait entendu parler de la beauté de Déjanire, aux Enfers, par l'ombre de son frère, Méléagre, qui avait supplié Héraclès de l'épouser.
Héraclès avait pour rival le fleuve Achéloos qui se transforma en taureau. Le héros lui brisa alors une corne et fut vainqueur. Ainsi, il épousa Déjanire et aida son père à soumettre les Thesprotes.

Cependant après cette victoire, il tua accidentellement l'échanson d'Œnoé et dut quitter le royaume. Il emmena Déjanire vers Trachis mais le fleuve Événos leur barra la route.
Le centaure Nessos offrit de transporter Déjanire sur l'autre rive, pendant qu'Héraclès passerait à gué. Héraclés accepta, mais lorsqu'il vit que Nessos avait profité du moment pour essayer de violer sa femme, il envoya au centaure l'une des flèches empoisonnées avec le sang de l'Hydre de Lerne. Avant de mourir, Nessos, faisant semblant de se repentir, conseilla à Déjanire, au cas où l'amour d'Héraclès viendrait à décliner, de tremper un vêtement dans son sang et de le donner à porter à son mari ; ainsi, sa passion reviendrait.
Déjanire prit un peu du sang de la blessure de Nessos et le garda dans un flacon. Plus tard, après avoir donné à Héraclès plusieurs enfants, notamment Hyllos et Macaria, elle apprit qu'Héraclès avait pris pour maîtresse Iole. Elle décida alors d'utiliser la ruse de Nessos, et envoya à Héraclès une tunique imprégnée du sang du centaure. Lorsque le héros la revêtit, il fut brûlé jusqu'à la mort. Déjanire, de désespoir, se tua.