08 juin 2006

Primum Vivere...

La fille de Jephté, Edouard Debat-Ponsan 1890.



«Les vers 559-560 nous donnent la position d'antigone à l'égard de la vie - elle dit que son âme est morte depuis longtemps, qu'elle est destinée à venir en aide, (ophélein) - c'est le même mot dont nous avons parlé à propos d'Ophélie - à venir en aide aux morts.»

«Electre est par certains côtés un véritable doublet d'Antigone - morte dans la vie, dit-elle, je suis déjà morte à tout. Et d'ailleurs, au moment suprême, où Oreste fait sauter le pas à Egisthe, il lui dit - Te rends-tu compte que tu parles à des gens qui sont comme des morts ? Tu ne parles pas à des vivants.»

(Plutôt, ne pas être). C'est là la préférence sur laquelle doit se terminer une existence humaine, celle d'Œdipe, si parfaitement achevée que ce n'est pas de la mort de tous qu'il meurt, à savoir une mort accidentelle, mais de la vraie mort, où lui-même raye son être. C'est une malédiction consentie, de cette vraie subsistance qu'est celle de l'être humain, subsistance dans la soustraction de lui-même à l'ordre du monde. Cette attitude est belle, et comme on dit dans le madrigal, deux fois belle d'être belle. Œdipe nous montre où s'arrête la zone limite intérieure du rapport au désir.

Dans toute expérience humaine, cette zone est toujours rejetée au-delà de la mort, puisque l'être humain commun règle sa conduite sur ce qu'il faut faire pour ne pas risquer l'autre mort, celle qui consiste simplement à claquer le bec. Les questions d'être sont toujours rejetées à plus tard, ce qui ne veut pas dire qu'elles ne soient pas là à l'horizon.