12 juin 2006

Griffer quelqu'un, c'est encore une façon de toucher sa peau...

The Dead Mother, Edvard Munch, 1900.


Psychoses préséniles (1)

La mélancolie d'involution


Les psychoses préséniles se prêtent bien plus à la recherche de liens plus vivants entre les troubles mentaux d'involution et le phénomène de vieillissement. Au cours de ces psychoses, le processus démentiel est à l'arrière-plan, la personnalité humaine reste plus ou moins conservée, les malades ont souvent conscience de leur état et en souffrent, restent accessibles à notre compréhension et permettent ainsi de faire un rapprochement que la démence sénile exclut entièrement.Diverses classifications des psychoses préséniles ont été proposées. Elles ont été groupées, entre autres, en trois catégories les formes dépressives, les formes délirantes et les formes démentielles. Mais ce chapitre reste un des plus controversés en psychiatrie clinique. Cette discussion pourtant, sans être close, a apporté de nouvelles données à la psychopathologie.

C'est la mélancolie d'involution qui a été la plus discutée et en conséquence la mieux étudiée. Parmi les causes psychologiques de cette forme de mélancolie, on cite également les sentiments déprimants qui accompagnent la certitude de vieillir sentiments de déchéance progressive, remords, regrets, crainte de la mort. Les symptômes cardinaux sont pourtant les mêmes qu'au cours de tout accès mélancolique dépression, tristesse, souffrance morale, idées délirantes habituelles d'auto-accusation, de culpabilité, de ruine, d'indignité, tendance au suicide, parfois anxiété intense.

Cette similitude de symptômes explique les difficultés diagnostiques et nosographiques soulevées par le problème de l'autonomie de la mélancolie d'involution.Quelques particularités ont été cependant signalées. Les idées de persécution, assez rares au cours des accès mélancoliques de la psychose circulaire, sont relativement fréquentes chez les préséniles.

Elles prennent souvent la forme d'idées de préjudice causé par des parents proches. Comme l'âge avancé prédispose à la méfiance et rétrécit en même temps le cercle des intérêts, un lien semble pouvoir être établi entre ces particularités de la vieillesse et les idées de persécution et de préjudice limitées à l'entourage immédiat. En outre, contrairement à ce qu'on voit chez les mélancoliques habituels, l'inhibition, selon certains auteurs, ferait défaut au cours de la mélancolie d'involution.

Cela se comprend. Là où l'individu est en pleine activité, l'inhibition est nécessaire pour arrêter cette activité là, par contre, où cette activité, comme cela a lieu au cours de la vieillesse, se ralentit et flanche, cette déchéance, ressentie douloureusement, peut servir d'elle-même, comme il a été dit plus haut, de porte d'entrée à un état mélancolique.Le pronostic de la mélancolie d'involution est incertain et difficile à prévoir. Les cas paraissant légers deviennent parfois chroniques, et inversement. Dans les cas chroniques, les états terminaux sont caractérisés par une monotonie de l'idéation qui reste fixée au contenu de la psychose, sans état démentiel à proprement parler.

On note, avec une relative fréquence, la présence de facteurs hystériques. La façon d'être de ces malades a parfois quelque chose de théâtral et comporte un élément de mise en scène, peut-être parce qu'à la suite du sentiment d'insécurité et de déchéance que crée la vieillesse, ils cherchent plus que les autres mélancoliques à attirer sur eux l'attention de leurs semblables, d'obtenir d'eux aide, protection, compassion. Dans les cas extrêmes ces malades se présentent comme de "faux mélancoliques".