01 décembre 2006

L'art dramatique, c'est une science exacte dont on ignore les données.

Le bonheur de vivre, Matisse, Henri (-Émile-Benoît), 1905.




Métathéâtre


Substantif composé de méta- « qui est au-delà, qui englobe, le changement » du grec μετά- « au milieu, parmi » et du substantif théâtre en français vers 1200, du latin theatrum et du grec theatron.


Catégorie d’œvres dramatiques dont la problématique est centrée sur le théâtre,théâtre formel qui « parle » donc de lui-même, s' « autoreprésente ».
Il n'est pas nécessaire - comme pour le théâtre dans le théâtre - que ces éléments théâtraux constituent une pièce interne contenue dans la première. Il suffit que la réalité dépeinte apparaisse comme déjà théâtralisée (on peut se référer à Calderón, Shakespeare, aujourd'hui : Pirandello, Beckett et Genet).

Ainsi défini, le métathéâtre devient une forme d'antithéâtre où la frontière entre l'œuvre et la vie s'estompe.
Il est des équivalents dans de nombreuses langues du terme de théâtre dans le théâtre : play within the play, Theater auf dem Theater et Spiel im Spiel, Teatro nel teatro ou commedia nella commedia, etc. Cependant tous ces termes ne sont pas aussi univoques ; par exemple la notion anglaise de play within the play ne permet de faire la distinction que font le français ou l’allemand entre « théâtre dans le théâtre » et « jeu dans le jeu ». En s’appuyant sur la théorie structuraliste on retrouve l’opposition entre littérature-objet et méta-littérature, on trouve alors les termes théâtre-objet et métathéâtre les deux grandes tendances du théâtre non-réfléchi et du jeu dans le jeu. Toutes ces notions recouvrent un élément commun : le « jeu dramatique à forme réfléchie » et dont le caractère réflexif apparaît à des niveaux différents.

Les représentations de cette forme réflexive sont diverses : d’une pièce entière intercalée dans une autre jusqu’aux thématisations ou prises de conscience momentanées du jeu. Les frontières entre ces deux extrêmes paraissent lâches. Il est à constater avec Manfred Schmeling que « la notion de « pièce » implique une autonomie relative et une certaine intégrité artistique. Or, cette autonomie du jeu intercalé ne se trouve guère dans le théâtre moderne », et de citer En Attendant Godot en exemple. En effet, dans la pièce de Beckett « le « jeu » devient sujet de la pièce sans pour autant constituer une pièce dans la pièce ». Il se trouve, nonobstant, que dans la pièce-hommage de Kundera à Diderot sont présents, à des moments bien distincts, la simple prise de conscience du jeu et une pièce entière intercalée (laquelle occupe tour le deuxième acte de la pièce). De plus Kundera intègre une critique de cette représentation dans la pièce, par le truchement de critiques des personnages qui assistent à cette scène.

Quelle que soit l’intensité dramatique du métathéâtre, on a toujours affaire au moins à deux niveaux théâtraux différents. Structurellement ce procédé a pour but d’amener le spectateur à une double perspective : le spectateur réel est spectateur de son propre jeu ou de celui des autres. Certains textes poussent ce procédé jusqu’à l’extrême et deviennent des formes modernes de la mise en abyme (comme Ludwig Tieck dans Monde renversé).

Si le rapport jeu/spectateur se trouve dédoublé, on ne peut pas dire que le théâtre dans le théâtre n’est qu’une simple répétition du rapport réel entre acteur et spectateur. Il y a une véritable différence ontologique dans le rapport entre le public et la pièce et l’acteur, devenu spectateur, et le jeu interpolé. Le spectateur réel est libre de ses réactions alors que l’acteur, quelle que soit sa position, est déterminé par le texte. Le vrai public n’est jamais sujet de la fiction théâtrale, qui se joue dans un autre espace, comme le public que composent les acteurs. Malgré l’essai de Pirandello dans Comme ci… (ou comme ça), d’intégrer les réactions du vrai public pour les intégrer dans des « impromptus ». Cette mise en scène faisait partie de la pièce proprement dite.

Ces quelques remarques permettent de dégager la définition suivante de théâtre dans le théâtre : « on peut dire que le théâtre dans le théâtre dans sa forme idéale est un élément intercalé dans un drame, qui dispose de son espace scénique propre et de sa propre chronologie – de telle façon qu’il s’établit une simultanéité spatiale et temporelle de la sphère scénique et dramaturgique. » (Manfred Schmeling).

L’apparition de ces formes réfléchies correspond souvent avec l’histoire littéraire (ou la critique littéraire). Le théâtre dans le théâtre représente une technique particulière, cependant l’apparition de cette forme pourrait aussi être liée à un certain développement historique de la littérature en général.

« Le théâtre dans le théâtre constitue une sorte d’histoire littéraire à l’intérieur de l’œuvre même ». A l’instar de toute forme réfléchie, il comporte une critique sur un passé littéraire. C’est en cela que le métathéâtre peut avoir une fonction herméneutique immanente qui consiste à signaler ce qui appartient à une tradition dépassée. Il constitue une littérature de confrontation.

Le théâtre dans le théâtre reste lié à la parodie, donc à une forme qui par définition cherche la confrontation, et il devient porteur d’une sorte d’anti-théâtre. Les formes réfléchies apparaissent à des périodes bien précises, à savoir au moment où la tradition littéraire coïncide avec l’horizon d’attente jusqu’à l’ennui et là où cette tradition, ressentie comme trop canonique, est dépassée par l’évolution extralittéraire.

Cette pratique métathéâtrale vise donc la transgression, le dépassement formel et tend à briser les frontières génériques. Plus qu’une dénonciation d’une tradition dépassée, le métathéâtre « représente » une évolution, une variation de la forme réflexive et le renouvellement de ses procédés (ce procédé existe sous forme romanesque : en tant que dénonciation de l’illusion dans le roman : variation Diderot/Kundera).