18 février 2006

Dialectique, dialégéin

Jeremias Lamenting the Destruction of Jerusalem, Rembrandt 1630


















Choisir, mettre part, ou dialégomai, discourir, discuter.

Le patient mélancolique présente un type de discours très original centré sur une logique purement formelle, sans que jamais ne transparaissent de représentations ou d'affects correspondants. Le raisonnement se clôt sur lui-même et recommence indéfiniment dans la condamnation d'un futur entièrement déterminé par le passé. «Puisque cela a été... c'est et ce sera toujours comme cela.
L'ancienne logique des Mégariques pourrait bien servir de modèle à cette ratiocination pathologique qui, comme le lui reprochait Aristote, confond la «chose en acte» avec la «chose en puissance», autrement dit la réalité effective avec la logique des possibles. Ce mode de raisonnement circulaire conforte au plan du discours l'image du trou caractéristique de la mélancolie en insistant sur l'aspect répétitif du mouvement tourbillonnaire propre à l'organisation psychique du sujet.
Le complexe mélancolique se comporte comme une blessure ouverte attirant de toutes parts vers lui des énergies d'investissement (celles que nous avons nommées, dans les névroses de transfert, «contre-investissements») et vidant le moi jusqu'à l'appauvrir complètement» ; de l'hémorragie interne des Lettres à Fliess à l'évidement du Moi de «Deuil et mélancolie», c'est donc du même «tourbillon qui creuse» qu'il s'agit et qui donne encore au discours mélancolique sa forme et son mécanisme. Or, si l'on comprend dans le manuscrit G que l'énergie sexuelle psychique s'écoule comme par un trou faute de représentations sexuelles suffisantes, représentations qui, projetées sur l'objet extérieur, en rendent possible l'investissement, on retrouve encore cette même carence de représentations dans le formalisme du discours mélancolique dont la figure circulaire fait ainsi figure de bord.
On pourrait dire que le mélancolique vit dans un perpétuel état de deuil ou bien encore que la mélancolie ressemble à un deuil qui ne finit pas ; toutefois, elle rend compte encore de certaines caractéristiques propres au malade, telles les auto-accusations ou les injures qu'il se porte à lui-même et qui n'apparaissent pas chez l'endeuillé.