20 mai 2006

Jamais l'optimiste ne connaîtra la joie....

The Judgment of Paris, Peter Paul Rubens, 1639.




L'analyse de la mélancolie montre l'existence d'un clivage dans le Moi. Une partie de celui-ci s'identifie à l'objet perdu - c'est cette perte pour la libido qui est à la source de la désintrication -, tandis que l'autre conserve son statut. On devine alors comment ce refus de la mort de l'objet peut contribuer par réflexion au fantasme d'immortalité du Moi. Dans la mélancolie, l'identification à l'objet perdu (ou imperdable) s'effectue sur le mode primaire. Le Moi se prend pour l'objet perdu. Il s'accable lui-même d'auto-reproches, s'accuse des moindres pécadilles en leur attribuant la gravité d'autant de péchés mortels. Il se rabaisse et réclame pour lui-même un terrible châtiment.

En fait une partie du Moi ne se dresse contre l'autre comme son pire ennemi que pour camoufler le désir de maltraiter l'objet et réaliser, dans cette prolongation d'existence que constitue l'identification, les désirs sadiques qui ont été refoulés dans le passé le plus reculé. Il n'est pas jusqu'au suicide, si souvent réussi dans la mélancolie, qui ne soit justifiable d'une interprétation en rapport avec la phase orale de la sexualité infantile.

C'est, du fait de la confusion entre le Moi et l'objet, une deuxième mort de l'objet qui est ainsi perpétrée. Une union avec lui désormais immortelle est consommée. Les noces avec l'objet ne connaîtront plus aucune séparation, dans l'infini et l'illimité des paradis retrouvés de l'oralité. Telle est la conception exposée dans «Deuil et mélancolie».