16 mars 2006

Sans le mensonge, la vérité périrait de désespoir et d'ennui


Ennui, Walter Richard Sickert, 1914.



Le ressort de la tragédie-spectacle est le même que celui de toute métaphysique providentielle : c'est le revirement. Changer toutes choses en leur contraire, est à la fois la formule du pouvoir divin et la recette même de la tragédie.


Le monde est fait de contraires purs que jamais rien ne médiatise. Dieu précipite ou élève, voilà le mouvement monotone de la création. Ce que le revirement saisit, c'est une totalité : le héros a la sensation que tout est happé dans ce mouvement de bascule : le monde entier vacille, point de monnayage dans la pesée du Destin, parce que précisément le destin se saisit toujours d'une situation déjà organisée, pourvue d'un sens, d'une figure (d'une face) : le revirement fond sur un univers déjà créé par une intelligence. Le sens du revirement est toujours dépressif (sauf dans les tragédies sacrées) : il met les choses de haut en bas, la chute est son image.

Comme acte pur, le revirement n'a aucune durée, il est un point, un éclair (en langage classique, on l'appelle un coup), on pourrait presque dire une simultanéité.