Destin, Moïra.
Puissance qui, dans l'antiquité, fixe de façon irrévocable le cours des événements.
«Le mal vient de plus loin...» (Racine, Phèdre) .
On pourrait émettre l'hypothèse selon laquelle le destin, interpellé dans l'interrogation de l'avenir à laquelle s'empresse de répondre Kronos, et le double à l'omniprésence lancinante appartiendraient tous deux au même registre : celui du narcissisme, dans la mesure où celui-ci se rapporte à la fois à l'âme et à la mort. La mythologie grecque, par exemple, liait le phénomène du reflet à la puissance de la mort et celui de l'ombre au pouvoir de la fécondation.
C'est ainsi que le polymorphe Zagreus naquit, après que Perséphone se soit mirée dans une glace ; il prit ensuite la forme de Dionysos lorsque, sous l'aspect d'un taureau, il se regarda dans un miroir fabriqué par Héphaïstos que les Titans brisèrent en mille morceaux. Le narcissisme primitif, menacé par l'éventualité permanente de la destruction du Moi, serait à la source de l'invention de la notion d'âme, comme le double aussi exact que posible du moi corporel ; il s'opposerait alors à la mort par un dédoublement du Moi, sous la forme d'une ombre ou d'un reflet.
Moïra signifie en grec ancien à la fois « destin », « part », « portion » ou « lot ». Cette pluralité d'acceptions traduit la conception grecque du destin.
La Moïra est la loi de partitition qui impose à chacun une part de bien et de mal, de fortune et d'infortune, de bonheur et de malheur, de vie et de mort, qu'il est du devoir de l'individu de respecter. Transgresser la mesure assignée par le destin est commettre l'hybris, faute fondamentale sanctionnée par la némésis ou le châtiment des Dieux.
Dans la religion grecque antique, il est certain que les hommes sont soumis au destin, de par leur mortalité et les limites constitutives de l'humaine condition. Qu'en est-il des Dieux ? Cette question a été très débattue. Pendant longtemps, on a cru que les Olympiens étaient subordonnés à la Moïra. Deux passages de l'Iliade semblent accréditer cette thèse : lors de la « pesée des destins », Zeus lui-même ne doit-il pas abandonner à la « mort rouge et au brutal destin » ses favoris, Hector et Sarpédon ? Ne reconnaît-il pas, par là-même, la supériorité de la Moïra ?
Cette interprétation a été remise en cause par les acquis de la philologie. Zeus n'est pas soumis au destin : plus exactement, il s'y soumet en tant qu'il reconnaît la loi de partage constitutive de la réalité.
La Théogonie d'Hésiode fait procéder l'univers de la Nuit vers la Lumière, du chaos vers l'ordre, de la tyrannie des premiers temps vers la justice olympienne. Les ancêtres de Zeus, Ouranos et Cronos, sont la figure des souverains tyranniques, qui refusent de partager avec quiconque, fût-ce avec leurs propres fils. Ils préfèrent dévorer leurs enfants plutôt que de leur accorder la moindre portion de ce qu'ils estiment leur appartenir.
Or, Zeus incarne la justice dans l'exacte mesure où il accepte le destin, c'est-à-dire la loi de partition cosmique. Contrairement à Ouranos et Cronos, il instaure un ordre d'équité en consentant à partager avec ses frères. Ce fait apparaît au livre XV de l'Iliade, dépeignant le partage de l'univers entre les trois grands Cronides. Comme l'expose Poséidon :
« Nous sommes trois, nés de Cronos et de Rhéa, trois frères : Zeus, puis moi, puis, le troisième Hadès, qui règne sur les morts. Du monde on fit trois parts (moirae), pour que chacun de nous obtînt son apanage. Moi, le sort m'a donné d'habiter pour jamais la mer blanche d'écume. Hadès reçut en lot les brumeuses ténèbres, et Zeus, le vaste ciel, l'éther et les nuages. Mais tous trois en commun, nous possédons la terre et l'Olympe élevé. »
C'est dire que la Moïra - le Destin - n'est pas une divinité personnifiée à laquelle on rendrait un culte, mais la loi même de l'univers. Zeus reconnaît cette loi en tant qu'il consent au principe du partage et qu'il échappe par là-même à l'hybris ayant aveuglé ses aïeux.
La religion grecque antique admettait cependant trois divinités du destin, les Moires, qui sont respectivement Clotho, Lachésis et Atropos, la première présidant à la naissance des hommes, la seconde à leur existence, et la troisième à leur mort. La Théogonie d'Hésiode leur attribue deux généalogies. D'après la première, elles sont filles de la terrible et impitoyable Nyx, la déesse de la Nuit ; d'après la seconde, elles sont les filles de Zeus et de Thémis, la déesse de la Justice. Ces deux généalogies décrivent l'avènement du règne olympien, qui est un règne de justice en tant qu'il reconnaît à chaque être le droit à une part, plus ou moins grande, de vie et de bonheur.
La Moïra est la loi de partitition qui impose à chacun une part de bien et de mal, de fortune et d'infortune, de bonheur et de malheur, de vie et de mort, qu'il est du devoir de l'individu de respecter. Transgresser la mesure assignée par le destin est commettre l'hybris, faute fondamentale sanctionnée par la némésis ou le châtiment des Dieux.
Dans la religion grecque antique, il est certain que les hommes sont soumis au destin, de par leur mortalité et les limites constitutives de l'humaine condition. Qu'en est-il des Dieux ? Cette question a été très débattue. Pendant longtemps, on a cru que les Olympiens étaient subordonnés à la Moïra. Deux passages de l'Iliade semblent accréditer cette thèse : lors de la « pesée des destins », Zeus lui-même ne doit-il pas abandonner à la « mort rouge et au brutal destin » ses favoris, Hector et Sarpédon ? Ne reconnaît-il pas, par là-même, la supériorité de la Moïra ?
Cette interprétation a été remise en cause par les acquis de la philologie. Zeus n'est pas soumis au destin : plus exactement, il s'y soumet en tant qu'il reconnaît la loi de partage constitutive de la réalité.
La Théogonie d'Hésiode fait procéder l'univers de la Nuit vers la Lumière, du chaos vers l'ordre, de la tyrannie des premiers temps vers la justice olympienne. Les ancêtres de Zeus, Ouranos et Cronos, sont la figure des souverains tyranniques, qui refusent de partager avec quiconque, fût-ce avec leurs propres fils. Ils préfèrent dévorer leurs enfants plutôt que de leur accorder la moindre portion de ce qu'ils estiment leur appartenir.
Or, Zeus incarne la justice dans l'exacte mesure où il accepte le destin, c'est-à-dire la loi de partition cosmique. Contrairement à Ouranos et Cronos, il instaure un ordre d'équité en consentant à partager avec ses frères. Ce fait apparaît au livre XV de l'Iliade, dépeignant le partage de l'univers entre les trois grands Cronides. Comme l'expose Poséidon :
« Nous sommes trois, nés de Cronos et de Rhéa, trois frères : Zeus, puis moi, puis, le troisième Hadès, qui règne sur les morts. Du monde on fit trois parts (moirae), pour que chacun de nous obtînt son apanage. Moi, le sort m'a donné d'habiter pour jamais la mer blanche d'écume. Hadès reçut en lot les brumeuses ténèbres, et Zeus, le vaste ciel, l'éther et les nuages. Mais tous trois en commun, nous possédons la terre et l'Olympe élevé. »
C'est dire que la Moïra - le Destin - n'est pas une divinité personnifiée à laquelle on rendrait un culte, mais la loi même de l'univers. Zeus reconnaît cette loi en tant qu'il consent au principe du partage et qu'il échappe par là-même à l'hybris ayant aveuglé ses aïeux.
La religion grecque antique admettait cependant trois divinités du destin, les Moires, qui sont respectivement Clotho, Lachésis et Atropos, la première présidant à la naissance des hommes, la seconde à leur existence, et la troisième à leur mort. La Théogonie d'Hésiode leur attribue deux généalogies. D'après la première, elles sont filles de la terrible et impitoyable Nyx, la déesse de la Nuit ; d'après la seconde, elles sont les filles de Zeus et de Thémis, la déesse de la Justice. Ces deux généalogies décrivent l'avènement du règne olympien, qui est un règne de justice en tant qu'il reconnaît à chaque être le droit à une part, plus ou moins grande, de vie et de bonheur.
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