Carpe diem quam minimum credula postero
La continence de Scipion, Niccolo dell' Abbate, 1552
La position du sujet mélancolique comme figure particulière de la castration :
Sans doute le mélancolique a-t-il approché de trop près cette vérité qui rend malade, celle qui renverse la fausse assurance de l'identité en dénonçant la nature illusoire du Moi.
Le mélancolique sait qui il a perdu, mais non ce qu'il a perdu en l'objet disparu, et, d'autre part, il semble approcher la vérité de plus près que les autres, cette vérité qui fait qu'à son approche, on tombe nécessairement malade. Et sans doute s'agit-il encore de cette vérité qu s'exprime dans le discours mélancolique sous la forme d'arguments pseudo-philosophiques tels que : «de toute façon il n'y a pas de sens, il n'y a pas de vérité, donc ce n'est pas la peine de faire quoi que ce soit, etc.» Le sujet sombre dans une apathie morbide qui le fait répéter indéfiniment les mêmes propos d'une voix blanche, sans intonation particulière.
La position du sujet mélancolique comme figure particulière de la castration :
Le mélancolique affirme la castration en soulignant le non-sens inhérent à la vie et croit au destin qui lui aurait légué cette vérité mortifère en lui accordant de ce fait une place d'exception. On devine qu'en cette position se noueront souffrance et jouissance, et que le sujet mélancolique ne sera pas prêt à l'abandonner sans autre compensation.
Sans doute le mélancolique a-t-il approché de trop près cette vérité qui rend malade, celle qui renverse la fausse assurance de l'identité en dénonçant la nature illusoire du Moi.
Dans cette vue, que le sujet mélancolique ne sache pas ce qu'il a perdu dans l'objet, et qu'il tente de résoudre les conséquences de la perte par les effets de l'identification narcissique, indiquerait bien qu'à travers l'objet, il visait une image dont la moindre modification pouvait provoquer son propre effondrement. On observe d'ailleurs chez les mélancoliques ces sortes d'attachement qui, à la moindre difficulté, se rompent aussi soudainement qu'ils avaient commencé, dans la déception à chaque fois renouvelée de la trahison :
On m'a encore trahi, et de toute façon, cela ne pouvait que se passer comme cela, etc. En cela réside sans doute l'interprétation de la répétition de l'échec dans la mesure où l'autre se voit dans l'obligation de supporter les traits d'une image idéale qui ne doit à aucun prix défaillir. Tâche insupportable que celle de tenir lieu de modèle, tâche à laquelle le sujet mélancolique voue l'autre comme si son identité singulière en dépendait [...] Le narcissisme suppose [...] qu'on se prenne soi-même comme objet et requiert de ce fait la reconnaissance des limites du corps et l'appropriation de l'image spaculaire. Aussi bien pourrait-on situer la faille narcissique dans la mélancolie au niveau de la constitution de cette image dans la mesure où elle semble se confondre avec un modèle idéal d'une telle rigidité qu'elle en reste définitivement hors d'atteinte.
Et l'on comprend ainsi le besoin vital du mélancolique de faire porter ses traits idéaux à un autre auquel il puisse ainsi s'identifier.
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