20 février 2006

Moi.

Soft Self Portrait, Dali, 1941.


Les instances idéales du Moi détermineraient donc la dynamique mélancolique au sens où l'idéal du Moi, comme instance, qui répond à l'identification parentale et sociale, recouvrirait quasi totalement le Moi idéal, comme instance qui répond à l'exaltation de la singularité du Moi. Le sujet mélancolique conforterait cette hypothèse par le peu d'attention qu'il porte à son image et qui peut aller jusqu'au sentiment d'étrangeté ou de dépersonnalisation (le sentiment de dévitalisation du monde et de soi semblerait ici plus pertinent.
En termes de stade du miroir lacanien. Tout se passe comme si le sujet mélancolique s'était trouvé devant un cadre vide à l'intérieur duquel il n'y avait pas d'image, mais simplement rien.
Et sans doute le «je ne suis rien» du sujet mélancolique témoigne-t-il de cette expérience traumatique en signifiant à la fois la défaillance de l'image spéculaire et la condamnation du destin. S'identifier au reflet du miroir, c'est encore se voir en fonction d'un premier regard porté sur soi ; aussi bien dépend-il du regard de l'autre posé sur l'enfant que celui-ci se découvreà son tour par les mêmes yeux qui l'ont identifié une première fois. Et pour peu que ceux-ci aient traversé l'enfant sans le voir, sans lui attribuer les cernes qui inscrivent le corps dans l'espace, il en résultera pour lui une fixation mortifère au seul cadre vide, au seul Idéal du Moi désespérément inaccessible.
Les rêves des mélancoliques le prouvent qui mettent en scène des personnages «au regard perdu au loin» que les rêveurs essaient vainement de saisir. Et ce vide du regard, non sans rapport avec le sentiment de dévitalisation du monde, les incite encore à chercher derrière les choses, derrière la réalité inerte, des indices d'une vérité cachée. Or, derrière le cadre vide, autrement dit derrière le miroir, il n'y a rien. Lacan souligne très justement à ce propos , dans le séminaire X sur l'angoisse, l'identification au rien des mélancoliques comme à ce qui n'appartiendrait pas au registre spéculaire, et qui expliquerait la forme fréquente des suicides mélancoliques par défenestration.