26 janvier 2006

Littérature et science

La littérature et la science (médicale, psychologique, comportementale...) sont remplies de discours sur les différentes sortes de mélancolie, sur les différences de la mélancolie avec des états voisins, sur la typologie des personnages mélancoliques.

Les théologiens ont débattu, notamment à la fin du Moyen Âge pour savoir si la mélancolie est un péché ou une maladie et pour établir la frontière entre la mélancolie et l'acedia «dégoût» (grec κηδία), la «maladie du moine», mélange de dégoût et d'indifférence au monde, mais ils ne doutaient pas que toutes deux ne soient balneus diaboli «la baignoire du diable», suivis sur ce point par Martin Luther (Tischreden, 1566).

La psychanalyse n'a pas manqué de nous apporter les éléments d'une théorie et d'une typologie de la mélancolie. Pour Freud elle serait une inhibition qui empêche le moi d'agir.

Le comportement psychologique mélancolique finit par fonder une esthétique par où s'exprime un courant fondateur du romantisme et de la modernité. On doit au poète Jean Paul la création du terme Weltschmerz (le mal du monde) qui exprime en allemand la mélancolie romantique, dans son roman pessimiste Selina de 1827. Il s'agit de l'insatisfaction (discontent) de Lord Byron manifeste particulièrement dans Manfred et Childe Harold's Pilgrimage.
Cette posture pessimiste tient au refus des poètes romantiques de s'accomoder des réalités du monde incompatibles avec leur droit à la subjectivité et à leur liberté personnelle. Cette attitude est devenue la marque du romantisme.
L'équivalent français du Weltschmerz, le mal du siècle a été exprimé par Chateaubriand, Alfred de Vigny, Alfred de Musset. Le mal du siècle/Weltschmerz s'est étendu à toute l'Europe (on le retrouve chez les Russes Pouchkine et Lermontov, chez le Polonais Słowacki) et à l'Amérique avec Nathaniel Hawthorne.
On retrouve la mélancolie romantique dans la poésie de Giacomo Leopardi sous la forme de la noia et chez Charles Beaudelaire sous celle du spleen, plus liées toutes deux à la mélancolie noire. Mais de cette dépression de l'âme, peuvent émerger de sublimes visions quand le poète accède à l'idéal. Cette mélancolie se présente souvent comme un retour à un état antérieur connu dans l'enfance ou même avant la naissance, au moins comme la nostalgie de cette vie antérieure ou comme le désir de la retrouver par la poésie. Chez William Wordsworth dans ses Lyrical Ballads, notamment son "Ode: Intimations of Immortality from Recollections of Early Childhood" (1807) la mélancolie romantique résulte de cette séparation avec l'état de grâce primordial.